BD/France 20 octobre Makyo, Frédéric Bihel et Jean Malaurie

Un an chez les Inughuits

Extrait de Malaurie , l'appel de Thulé par Makyo, Fréfdéric Bihel et Jean Malaurie - Photo DELCOURT

Un an chez les Inughuits

Deux auteurs de BD font un roman graphique du séjour fondateur de Jean Malaurie, créateur chez Plon de « Terre humaine », en 1950-1951 au nord du Groenland.

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Par Fabrice Piault,
Créé le 17.10.2019 à 22h21

Une jeunesse de résistant, un CV long comme le bras de géologue, d'ethnologue et d'écrivain, la création et la direction pendant plus de soixante ans chez Plon de l'emblématique collection « Terre humaine », une impressionnante panoplie de titres, de distinctions scientifiques et de décorations... En attendant la panthéonisation, Jean Malaurie, qui fêtera ses 97 ans le 22 décembre, justifiait bien une bande dessinée. Impliquant directement l'auteur des Derniers rois de Thulé, best-seller anthropologique mondial traduit en 23 langues (Plon « Terre humaine » 1955 et 1989, Pocket 2001), qui les a reçu plusieurs fois, leur a ouvert sa documentation et cosigne l'album, Makyo (scénario) et Frédéric Bihel (dessin) s'y sont attelés en évitant les pièges du genre. Plutôt que de produire une biographie édifiante du héros, ils se concentrent sur son expédition fondatrice à Thulé, de juillet 1950 à juin 1951, livrant avec sobriété une œuvre à la fois documentaire et poétique, dont la puissance procède naturellement de l'expérience fascinante qu'elle relate.

Cette année-là en effet, à 27 ans, Jean Malaurie dirige et incarne à lui tout seul pour le CNRS la première mission géographique et ethnographique française à l'extrême nord-ouest du Groenland. Lâché le 23 juillet à Thulé, quasiment sans équipement ni contact, par un cargo qui ne reviendra le chercher qu'un an plus tard, passé les neuf longs mois d'hivernage, il plante sa tente à proximité d'un village d'une trentaine d'iglous de tourbe et de pierre. S'il est bien décidé à s'immerger parmi les Inughuits, aucun de ces Esquimaux polaires ne l'attend. Le voilà lisant et méditant à distance pendant de longues journées.

Le contact se fait pourtant, notamment grâce au chaman Uutaq. Mais il lui faudra des semaines et des mois pour faire ses preuves parmi un peuple endurci par les rigueurs du climat du grand nord. Jean Malaurie survit en apprenant l'autosuffisance, la résistance au froid et aux tempêtes de neige, des rudiments de la langue, la conduite d'un attelage de chiens de traineau qu'il mène le plus souvent en solitaire dans la nuit polaire. Il sera, avec l'Inuit Kutsikitsoq, l'un des deux premiers hommes à atteindre, avec deux traîneaux à chiens le 29 mai 1951, le pôle nord géomagnétique.

Le chercheur et aventurier gagnera la confiance des Inughuits au point de pouvoir établir le premier recensement généalogique et ethnographique d'un groupe de 302 personnes relevant de 70 familles vivant dans 64 iglous de 10 à 15 m2 qu'il a tous visités, répartis dans dix hameaux éparpillés sur 300 kilomètres d'une côte escarpée. Saisissant le silence presque intime de ces espaces désolés comme leur brutale sauvagerie, captant la confusion des jours et des nuits, les aurores boréales, le brouillard sur des océans glacés, Frédéric Bihel restitue son périple dans des planches d'une poésie infinie.

Makyo, Frédéric Bihel et Jean Malaurie
Malaurie, l'appel de Thulé
Delcourt
Tirage: 9 500 EX.
Prix: 19.99 €; 136 P. COUL.
ISBN: 9782756095912

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