4 avril > Récit de voyage France > Eric Faye et Christian Garcin

Eric Faye et Christian Garcin sont deux beaux écrivains, à la palette d’une grande variété (le second surtout), voyageurs affichant des milliers et des milliers de kilomètres au compteur. Ils ont déjà écrit ensemble En descendant les fleuves : carnets de l’Extrême-Orient russe (Stock, 2011). Les voici qui récidivent, Dans les pas d’Alexandra David-Néel (1868-1969), la mère de tous les aventuriers, dont ils évoquent la grande ombre, repassant là où elle avait risqué gros, en 1924, venant du Yunnan, pour entrer à Lhassa, capitale du Tibet alors interdite, par les Anglais, à tous les étrangers. A ses côtés, Aphur Yongden, un jeune lama du Sikkim, né en 1899, qu’elle avait adopté en 1914, et qui finira sa vie en 1955, en France, à Samten Dzong, la maison qu’elle avait achetée près de Digne-les-Bains, dans un paysage qui, parfois, fait penser à l’Himalaya. Sans lui, Alexandra, déjà âgée, n’aurait pu voyager jusqu’en 1946. On se gardera bien d’oublier, dans cette aventure plus collective qu’il n’y paraît, l’excellent Philippe Néel, le mari qui, lui, ne partait pas, mais y encourageait son épouse, et de France assurait le soutien logistique et matériel.

Faye et Garcin, eux, n’ont pas voyagé en clandestins, à l’été 2015, de Pékin à Lhassa par le train le plus haut du monde. Ils ont pérégriné à travers le Tibet jusqu’au Yunnan, province du sud-ouest de la Chine, dûment autorisés par les autorités, dont l’armée a envahi le Royaume des neiges en mars 1959. Les Chinois ont, depuis, opéré une politique de sinisation à outrance, d’assimilation forcée, qui s’apparente à un génocide culturel. Sujet sensible sur lequel, d’ailleurs, les deux compères se montrent prudents, voire un peu complaisants. Mais Alexandra David-Néel elle-même ne parlait-elle pas du "soi-disant Thibet indépendant"?

Leur récit est passionnant, à la fois érudit et vécu, façon carnet de voyage, avec son lot d’anecdotes. On y apprend aussi beaucoup sur le Tibet et la grande Alexandra. Tantôt c’est "nous" qui parle, tantôt c’est "je" - un lecteur avisé s’amusera à reconnaître qui est qui. Mais l’ensemble est parfaitement uniforme. A la fin, les deux Tintins, le 8 avril 2016, vont visiter Samten Dzong, musée-cénotaphe: en 1973, les cendres d’Alexandra David-Néel et de son fils, quoiqu’ils fussent bouddhistes, ont été dispersées dans le Gange, à Bénarès, forcément. "Boucle bouclée". Jean-Claude Perrier

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