En 1991, Corneille Richelin, un auteur de romans policiers de troisième zone et dont la postérité n'a rien retenu, meurt énigmatiquement à Paris, une hache préhistorique fichée dans le crâne. En 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il avait participé à un dîner singulier réunissant la fine fleur du polar de l'époque - Georges Simenon, Stanislas-André Steeman, Peter Coram, Margery Allingham... - autour d'Hans von Richtenback, un baron allemand qui les admirait. Or tandis que le baron, séduit par Richelin dans tous les sens du terme, l'enrôlait dans sa quête des Atlantes, mythiques « géants de l'antique Thulé » dans lesquels il voyait les ancêtres des Aryens glorifiés par Hitler, Margery Allingham se révélait informatrice des services secrets britanniques
Quatre ans plus tard, en plein cœur du conflit, ceux-ci embarquent l'écrivaine dans une opération de manipulation sophistiquée, en compagnie de son collègue Ernst Bornemann, romancier communiste allemand qui a fui l'Allemagne nazie en 1933 et s'est réfugié à Londres. Richelin, qui s'est lancé dans la réalisation cinématographique avec le soutien de son très admiratif beau-père tout en accompagnant von Richtenback dans sa quête des Atlantes, sera l'instrument involontaire de cette manipulation. Car l'oncle du baron se trouve être à la tête de toute l'industrie d'armement des nazis. Il est au cœur de leurs projets de développement d'une arme atomique. Une cible de choix pour les Britanniques, qui vont chercher à le liquider en s'appuyant sur la capacité de Margery Allingham à bâtir un scénario grâce à sa finesse d'analyse psychologique de ses protagonistes, de fiction comme de chair et de sang.
Entre espionnage et pantalonnade, de l'Angleterre à l'Allemagne en passant par Paris, Chamonix ou l'Alaska, les ingrédients d'un piège aussi ambitieux qu'aléatoire vont peu à peu s'emboîter, éclairés par le dispositif particulièrement sophistiqué d'allers et retours dans la chronologie mis en place par Thierry Smolderen. Le scénariste ne ménage pas ses clins d'œil aux romans et aux films noirs des années 1940 et 1950. Au dessin, Jorge González s'y entend à faire ressortir un climat de permanente incertitude, plaçant des personnages blafards, inquiets ou étonnés, toujours intrigants, dans un environnement brumeux et instable.
Cauchemars ex machina
Dargaud
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 25 € ; 128 p.
ISBN: 9782205082449