17 aôut > Roman Colombie > Juan Gabriel Vasquez

"J’ignore quand j’ai commencé à me rendre compte que le passé de mon pays me semblait nébuleux et obscur", note Juan Gabriel Vásquez. Tel un enfant découvrant que le père Noël n’existe pas, il fait vaciller toutes ses certitudes dans ce livre inqualifiable. L’écrivain colombien s’est immergé pendant plusieurs années dans ce projet complexe, "combinant l’autobiographie à l’Histoire, l’essai à la fiction pour aborder [s]a fascination pour les meurtres politiques, menés au cours du XXe". Son enfance, hantée par l’omniprésence de la violence, l’a certainement alimenté.

Le sénateur Rafael Uribe Uribe, le leader libéral Jorge Eliécer Gaitan ou le président américain John Fitzgerald Kennedy sont tombés au cours de leur mandat. Qui sont vraiment les meurtriers ou les commanditaires de ces crimes ? Quel est leur impact sur le commun des mortels ? Quelle est la version officielle ou réelle ? "Ce que vous qualifiez d’Histoire est ni plus ni moins le récit qui l’a emporté. Quelqu’un s’est arrangé pour qu’il prime sur les autres", affirme son héros, Carlos Carballo. Un drôle de bonhomme obsessionnel qui réfute clairement la Vérité. Il prouve à quel point ces événements marquent durablement les gens.

"En politique, rien n’arrive par hasard…", soulignait Franklin Delano Roosevelt. Pas sûr que la théorie du complot triomphe, mais le climat social de haine et de peur favorise chacun de ces crimes intrigants. Le hasard et la fiabilité de la mémoire se trouvent au cœur du travail de Vasquez. Ici, ils sont triturés, mis en doute, jusque dans leurs ressorts les plus secrets. L’écrivain ne cherche pas tant à élucider ces crimes qu’à se demander ce que ces morts "nous apprenaient sur nous, les Colombiens".

En lisant cette enquête, on songe au cheminement des auteurs espagnols, Antonio Muñoz Molina suivant les traces de l’assassin de Martin Luther King, ou Javier Cercas démasquant le plus grand imposteur de son pays. Avec toujours cette même minutie de se demander pourquoi ils écrivent. "Personne ne sort indemne de ce genre d’histoire." Kerenn Elkaïm

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