Le condamné et les coupables. Cela fait dix ans que le père de Molly croupit dans le couloir de la mort et, dans trente-cinq jours, pour la somme de 86,06 dollars dépensés en chlorure de potassium, il sera exécuté dans la prison d'État de Pennsylvanie. Le compte à rebours a commencé. L'adolescente, qui le croit innocent malgré ses aveux, n'a jamais rien tenté pour le sauver. Elle garde de lui un souvenir flou : les audiences de son procès, quelques visites à la prison, puis le silence, lorsque ses dernières demandes sont restées lettre morte. Shootée au Valodon, un antidouleur qu'elle avale comme des Smarties, Molly erre sans but, écrasée par sa déprime, entravée par un cruel bégaiement. Pourtant, tout s'agite un matin dans les méninges embrumées de la jeune fille. Un réveil, en sursaut, après une longue léthargie. Et la vérité germe sous le manteau neigeux de sa résignation. Avant qu'il ne soit trop tard, elle décide de retourner là où tout a commencé : la ville de son enfance, où son père est accusé d'avoir tiré sur le fils Rosendale. Le premier-né d'une famille influente, fervente supportrice du deuxième amendement, membre de la NAA (North American Arms), une société spécialisée dans la fabrication d'armes à feu compactes. Une famille si puissante que la ville même porte son nom. Molly, en partance, emporte une lettre qu'elle n'a pas décachetée : le résultat d'un test génétique qui doit lui révéler si, comme son père, elle est porteuse de la maladie héréditaire de Huntington, une dégénérescence neurologique incurable. Avec cette missive, elle a l'impression de faire face, elle aussi, « à sa propre condamnation à mort ».
Un troisième condamné s'invite dans l'histoire. Casper Rosendale, la victime, que le père de Molly est accusé d'avoir tué dix ans plus tôt. Un compte à rebours, en flash-back, dévoilera peu à peu l'identité de son véritable assassin. Et permet à l'auteur de ce 35 jours avant l'exécution, Takis Würger, de pointer deux faits de société : les tirs involontaires des enfants qui ont accès aux armes aux États-Unis, et la dépendance massive des Américains, y compris les jeunes, aux médicaments délivrés sur ordonnance − statistiques à l'appui en postface.
Journaliste d'investigation originaire de Basse-Saxe, Takis Würger a plaqué la rédaction du Spiegel à 28 ans, en panne sèche, pour étudier l'histoire des idées à Cambridge. Cette expérience estudiantine lui a inspiré un premier genre, La fraternité, salué par la critique (Slatkine & Cie, 2018). Son goût pour l'histoire l'a éloigné du polar le temps d'écrire deux romans tirés de la réalité, Stella (Denoël, 2020), inspiré de l'histoire de Stella Goldschlag, jeune juive ayant collaboré avec la Gestapo dans l'espoir de protéger sa famille, puis Noah, non traduit, sur un survivant de la Shoah. Avec 35 jours avant l'exécution (en VO Unschuld, « innocence »), Takis Würger revient au roman policier teinté d'une atmosphère de campus novel. Une révélation dégainée un peu hâtivement n'empêche pas ce roman de nous faire voyager au côté de Molly pour nous montrer que non, tous les enfants ne sont pas des ingrats.
35 jours avant l'exécution
Calmann-Lévy
Traduit de l’allemand par Isabelle Liber
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 200 p.
ISBN: 9782702188583