L'ancien chef de gouvernement italien Silvio Berlusconi, sulfureux milliardaire aussi célèbre pour ses manœuvres politiques que pour ses démêlés judiciaires et frasques sexuelles, est mort lundi 12 juin à l'âge de 86 ans. Il est décédé des suites d'une leucémie à l'hôpital San Raffaele de Milan, où il avait été de nouveau admis vendredi après de multiples séjours.
De chanteur à urbaniste
Né le 29 septembre 1936, Silvio Berlusconi est le fils d'un employé de banque milanais. Après quelques expériences comme chanteur sur les bateaux de croisières et vendeur en porte-à-porte, c'est dans l'immobilier qu'il a commencé sa carrière proprement dite au début des années 60. Parmi ses réussites : le quartier résidentiel « Milano 2 » construit dans les années 70, sur 700 000 m2.
Le pari raté de la Cinq en France
Mais c'est surtout dans le secteur de la télévision que s'exprime son génie créatif de grand communicant, qui saupoudre ses programmes de femmes dénudées pour plaire au grand public. « Silvio Berlusconi a inventé la télévision commerciale en Europe, en même temps que les Britanniques, alors que le continent vivait encore sous un monopole des télévisions publiques nationales », a expliqué Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l'Université Bocconi de Milan, à l’Agence France-Presse.
« Son astuce a été de transmettre, simultanément sur toutes les télés locales le même programme, comme s'il s'agissait d'une télé nationale, ce qui lui permettait d'attirer beaucoup plus d'annonceurs publicitaires », rappelle Umberto Bertelè, professeur émérite à l'Ecole de commerce de Polytechnique à Milan. Entre 1986 et 1992, Silvio Berlusconi rate son pari de la Cinq, une chaine de télévision privée gratuite, qui connaitra tour à tour comme partenaire Robert Hersant ou Jean-Luc Lagardère sans vraiment décoller et sera mis en liquidation judiciaire avec un passif de 4 milliards de francs (60 millions d’euros).
Concentration éditoriale en Italie
Berlusconi investit finalement dans l'édition, en rachetant en 1990 le principal éditeur italien de livres et magazines Mondadori de manière très « cavalière » envers un autre homme d’affaires, Carlo De Benedetti qui regrettera ensuite de ne pas avoir pu « développer le grand groupe d’édition que j’avais en vue ».
Vingt ans après les faits, en 2011, Silvio Berlusconi sera condamné à 500 millions d’amendes pour corruption de magistrats afin d’arriver à prendre le contrôle du groupe d’édition. En 2015, le groupe centenaire fondé par Arnoldo Mondadori rachète RCS Mediagroup et sa filiale d’édition RCS Libri, ancien propriétaire de Flammarion jusqu’en 2012 et numéro deux de l’édition italienne.
Celle-ci rassemble à l’époque une douzaine de maisons d'édition comme Rizzoli Bompiani, éditeur en Italie des auteurs vedettes Umberto Eco et Michel Houellebecq, Fabbri Editori, Marsilio, Altri Marchi, Adelphi, Sonzogno, Vintage etc... Avec cette acquisition, le numéro un de l’édition domine le marché du livre à un niveau jusque-là inégalé en Europe : près de 40% du marché de l’édition national, dont près de 70% pour le livre de poche.
Spéculations sur l’avenir de la holding
La holding de la famille Berlusconi, Fininvest, compte aujourd’hui trois chaînes de télévision, des journaux, les éditions Mondadori et bien d'autres participations.
Le patrimoine de ce père de cinq enfants s'est réduit de 12,5 milliards de dollars en 2004 à 6,8 milliards de dollars en avril dernier, selon le magazine Forbes. Quelques minutes après l'annonce de son décès, le titre de son groupe MediaForEurope était en hausse de près de 10% à la Bourse de Milan, sur fond de spéculations sur l'avenir de son empire et d'éventuelles cessions de parts envisagées par ses héritiers.