Son parcours atypique en fait une personnalité hors normes, aimant brouiller les repères. Ovidie suit son instinct en restant fidèle à elle-même. Cette attitude s’affiche très tôt, quand la petite fille introvertie devient une militante rebelle à l’adolescence. Ses bulletins scolaires en témoignent : "Elle conteste et argumente beaucoup ; déteste l’injustice." Ainsi, "l’envie de questionner ou de bousculer était déjà en germe", affirme la trentenaire amusée. Issue de la classe moyenne, elle grandit entre un père proviseur et une mère directrice d’établissements psychiatriques pour enfants. Celle-ci lui transmet son obsession pour la minceur. "A l’époque, on n’était pas conscient des troubles alimentaires." Ovidie a mis longtemps à s’en débarrasser et évite encore les miroirs. La BD Libres ! (Delcourt, "Tapas"), réalisée avec Diglee, est née de l’envie de pointer "l’oppression sociale envers la féminité, qui [l’]encombre". Ce "manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels" connaît un tel succès qu’il en est à sa quatrième réimpression.
Passionnée par "l’histoire des idées", Ovidie entreprend des études de philosophie et travaille à un doctorat en lettres. Elle explore le rapport au corps en devenant actrice de films pornographiques. "J’ai été inspirée par des artistes offensives et pro-sexe comme Lydia Lunch." Mais elle regrette qu’on la réduise "à cinquante jours de tournage dans [sa] vie." Les yeux soulignés de khôl, Ovidie préfère évoquer son désir "d’écrire, de créer, de réaliser des films ou des documentaires". Une carrière désormais saluée par Arte.
Mère de famille
Loin de se ranger, elle continue à dénoncer des tabous. A un clic du pire tire la sonnette d’alarme, à l’heure où des milliards de films pornos sont disponibles gratuitement sur Internet. L’âge moyen de leur découverte sur des téléphones portables : 9 ans. "Se pose alors la question de la protection des mineurs", soutient Ovidie, devenue mère de famille. "Ces images façonnent le rapport au corps, à la sexualité et au sexe opposé." Face au silence des politiques, elle regrette "une division entre conservateurs et ayatollahs de la liberté d’expression". L’auteure ne prône pas pour autant l’interdiction, mais préconise une amélioration de l’éducation sexuelle et l’ouverture au dialogue. Avant de s’envoler pour sa chronique sur Radio Nova, cette femme libre tient à transmettre un message de tolérance. "On fait ce qu’on peut avec ce qu’on est." Kerenn Elkaïm
Ovidie, A un clic du pire, Anne Carrière, prix : 16 €, 107 p., tirage : 8 000 ex., sortie : 23 février, ISBN : 978-2-84337-877-5