5 JANVIER - ROMAN Finlande

Riikka Pulkkinen- Photo DR/ALBIN MICHEL

Elsa va mourir. Et ça ne lui fait pas plaisir. On ne dit pas adieu aux jolies choses de gaieté de coeur. Non plus qu'à l'homme qui partage sa vie depuis plus de cinquante ans (Martti, un peintre internationalement reconnu) ou aux enfants qui furent le sel de l'existence de cette pédopsychiatre, à commencer par sa fille unique, Eleonoora, et ses deux petites-filles. Tous ces enfants qu'elle n'a pas vue grandir et qui ne l'ont pas vus vieillir. Alors, si Elsa quitte le centre de soins palliatifs où elle était traitée pour réintégrer son domicile d'Helsinki, ce n'est pas pour mourir entourée des siens, mais pour vivre encore. Manger, se baigner à minuit, marcher pieds nus dans l'herbe du jardin, découvrir le nouveau petit ami de l'une, apaiser les inquiétudes de l'autre, ne pas dormir seule, pas encore. Et puis peut-être aussi pour ouvrir une armoire, en extraire une robe que l'on prétend oubliée, la donner à porter à sa petite-fille Anna et lui révéler ainsi, outre l'histoire de cette robe, le secret terrible et magnifique, le secret d'amour perdu, dont cette pièce d'étoffe est l'unique témoignage... L'armoire des robes oubliées est le deuxième roman de la Finlandaise Riikka Pulkkinen ; le premier traduit en France. Anne Michel, son éditrice chez Albin Michel, a eu le flair d'en acheter les droits au Salon du livre de Göteborg, quelques semaines avant que celui-ci ne soit l'une des sensations de la Foire du livre de Francfort en 2010. On comprend assez bien à sa lecture ce qui a pu susciter un pareil engouement (droits de traduction achetés dans douze pays, adaptation cinématographique en cours ainsi qu'une adaptation pour la scène actuellement jouée en Finlande). La capacité d'incarnation que prête l'auteure à ses personnages est proprement prodigieuse. Nulle mièvrerie en ces pages dont on aurait pu craindre qu'elles s'y prêtent, nul "psychologisme", mais une écriture ample, d'un hyperréalisme saisissant où la poésie du réel lorsqu'il est saisi pour la dernière fois confère au lecteur une vraie empathie. Riikka Pulkkinen est une Joyce Carol Oates finlandaise de 30 ans. De son Armoire jaillissent un secret dévoilé, trois générations de femmes, un même chagrin, un même espoir et l'assurance pour son lecteur de la naissance d'une nouvelle voix.

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