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Salon du livre de Genève : l’IA en débat

La seconde rencontre professionnelle du Salon du livre de Genève (6-10 mars) était consacrée à l'intelligence artificielle. - Photo Cécilia Lacour / LH

Salon du livre de Genève : l’IA en débat

La seconde rencontre professionnelle du Salon du livre de Genève (6-10 mars) s’est concentrée sur les défis que pose l’intelligence artificielle dans l’édition.

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Par Cécilia Lacour Genève,
Créé le 07.03.2024 à 18h30 ,
Mis à jour le 12.03.2024 à 16h51

Elle questionne. Elle intrigue. Elle inquiète. L’intelligence artificielle (IA) a été, mercredi 7 mars, au cœur de la seconde matinée professionnelle du Salon du livre de Genève (6-10 mars) lors d'une table ronde organisée par Livres Hebdo, après une première rencontre consacrée aux moyens d’attirer les jeunes vers la lecture.

Au cours d’un cadrage bienvenu et pédagogue sur ce qu’est réellement l’IA et ce qu’elle permet, le directeur académique du Centre des systèmes intelligents de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) Pierre Vandergheynst s’est voulu rassurant. Si le développement de l’IA entraîne un climat « certes anxiogène », notamment sur les professions de l’illustration, de la traduction et de la correction, il existe « beaucoup d’exagération » autour de cette technologie. Le scientifique estime par ailleurs qu’un « tandem » humain-machine est possible. Par exemple, l’IA peut aider les auteurs et autrices dans la collecte et l’organisation des informations factuelles — tout en « faisant attention à la véracité des infos » — ou peut encore optimiser les flux logistiques d’une maison ou des diffuseurs-distributeurs.

Menaces sur l’image et la traduction

C’est justement dans cette démarche que Simon de Jocas, président des éditions québécoises Les 400 coups, s’inscrit. Il utilise l’IA pour l’analyse de ventes, pour aider à monter des stratégies de développement et de commercialisation, et parfois pour traduire quelques albums illustrés qu’il souhaite ouvrir aux cessions de droits à l’étranger. « Mais je n’ai recours à ChatGPT uniquement sur des documents de travail qui me permettent de vendre des droits. La saveur et la subtilité de la traduction ne peut être qu’humaine », précise-t-il.

S’il a recours à l’IA, Simon de Jocas admet tout de même être inquiet par « l’appât du gain. Les grands groupes vont pouvoir bénéficier de l’IA et ainsi devenir encore plus grands et plus puissants ». De son côté, Camille Luscher, traductrice, directrice du domaine allemand de Zoé et membre du collectif En chair et en os, sonne l’alarme. « Avec l’IA qui effectue une partie des traductions, les revenus des traducteurs et des traductrices ont baissé de 30 à 50 % dans les domaines pragmatiques, comme les guides touristiques », affirme-t-elle.

« Les métiers de l’image et de la traduction sont les plus impactés », rappelle l’auteur et président d’honneur de la Ligue des auteurs professionnels, Frédéric Maupomé. Mais, selon lui, la menace de l’IA ne serait pas la plus prononcée dans l’édition pour les illustrateurs et illustratrices. « Les jeux vidéo, le cinéma d’animation ou encore la communication visuelle sont plus impactés. Et ce sont des à-côtés nécessaires pour bon nombre d’artistes car ils leur permettent de trouver un équilibre économique », explique-t-il. Si l’IA peut certes présenter des avantages, son utilisation dans plusieurs industries créatives pourrait bien, par ricochet, déstabiliser, voire bouleverser la création bien au-delà du seul secteur du livre.

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