Déjà remarqué avec Les enfants de Staline (Belfond 2009, repris en 10/18), l’Anglais Owen Matthews propose cette fois une immersion dans une mégapole où la température peut descendre à vingt-sept degrés au-dessous de zéro et où il faut donc endurer « un temps à faire craquer les tuyaux ». Bienvenue à Moscou, au milieu des années 1990. Une ville, « jamais lasse, toujours en mouvement sous sa couche de peinture, de crasse et d’enseignes publicitaires au néon », qui suinte l’argent sale. Roman Lambert, le héros de Matthews, a un jour décidé de quitter Londres et un travail dans une agence de vente d’espaces publicitaires.
A Moscou, il est entré chez Publicitas, boîte de relations publiques dans le centre d’affaires international, et a rapidement commencé à découvrir les multiples possibilités locales. Se rendant pour cela à la fois dans divers établissements de nuit, à l’inauguration d’une boutique de mode chic ou à une réunion du Parti national-bolchevique d’Edouard Limonov. Lorsque démarre Moscou Babylone, il entreprend de faire le récit de son inquiétant voyage « dans un pays aberrant, une zone de distorsion morale où ne surnage plus que l’apparence d’une civilisation engloutie et vidée de son sens ».
Le lecteur ne va plus lâcher d’une semelle un Roman installé en Russie pour fuir ses mauvais génies. A Moscou, on le sait d’entrée de jeu, il a aimé et tué, et est devenu peu à peu « un homme malade. Un homme méchant. Un homme déplaisant ». Il s’est doté d’une épouse « docile et relativement présentable », d’une Mercedes de seconde main, d’œuvres d’artistes branchés et facilement identifiables… Rondement mené, Moscou Babylone, qui paraît en France en avant-première mondiale, se boit cul sec comme une vodka glacée. Le réveil peut être brutal ! Al. F.