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Rognac : une bibliothécaire réintroduite, le poste de la seconde supprimé

Présentation de projet dans le cadre de Biblio reMix à la bibliothèque Louise-Michel à Paris. - Photo Olivier Dion

Rognac : une bibliothécaire réintroduite, le poste de la seconde supprimé

Tout est parti d'une pétition pointant la prolongation de l'activité réduite de la médiathèque de Rognac, dans les Bouches-du-Rhône. Depuis, les usagers ont vu les deux bibliothécaires suspendues. L'une a repris ses fonctions. L'autre n'a plus de poste. 

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Par Fanny Guyomard,
Créé le 15.05.2023 à 10h59

L’affaire avance, mais pas dans le bon sens. D’abord suspendue, l’ex-responsable de la médiathèque de Rognac (Bouches-du-Rhône) n’a aujourd’hui plus de poste. Et la brouille avec la mairie s’enlise. Un conflit né du mécontentement de la population sur la situation de la médiathèque.

Tout commence début 2021. Il est alors question de déménager la bibliothèque de 804 m2 dans la mairie plus grande et d'y créer un musée pour former un pôle culturel. Le temps des travaux, elle déménage dans un local provisoire de 187 m2. “Collections et mobiliers sont enfermés pour les deux tiers car le local est trop petit, même pour y faire nos animations. Il est impossible de recevoir classes, crèche ou groupes de plus de 8 personnes”, décrit l'ex-responsable Claire Caron, qui apprend, en novembre 2022, que la maire Sylvie Miceli-Houdais a changé les plans : "Sans nous consulter, elle a décidé de placer dans la future ex-mairie la police municipale et de reporter, sans aucune précision de temps ni de lieu, le projet de la médiathèque et du musée”, affirme la bibliothécaire, en poste à Rognac depuis 1987.

Une pétition circule alors pour dénoncer cette prolongation des conditions d’accueil dégradées de la médiathèque. Les deux bibliothécaires, Claire Caron et Laurence Cabassut, sont de leur côté accusées par leur mairie d’avoir orienté l'usagère à l'initiative de la pétition, en dépit de leur obligation de discrétion professionnelle.

Suspension de 2 ans

Le 2 décembre, une nouvelle responsable de la bibliothèque est nommée et, le 6 décembre, la maire suspend les deux bibliothécaires "afin de protéger les intérêts et l’intégrité de la collectivité", reporte l'arrêté municipal. Des bénévoles partent, les acquisitions s’interrompent.

Le 30 mars, Claire Caron passe devant le conseil de discipline, composé de maires d’autres collectivités et de représentants du personnel. Ces derniers rejettent à l’unanimité la sanction de niveau 3 voulue par la mairie, la rétrogradation, la plus sévère possible avant la sanction de niveau 4, le licenciement.

L’assistante de conservation principale de 1ère classe peut donc reprendre ses fonctions dès le 6 avril. Mais le 5, un nouvel arrêté tombe : cette fois, la Maire décide l’exclusion de Claire Caron et de Laurence Cabassut au motif qu'elles ont “participé à la tenue de propos diffamatoires à l’encontre de l’autorité nationale”, “porté atteinte à l’intégrité morale de la collectivité” et “violé [leur] droit de réserve et de discrétion professionnelle”. Sanction de niveau 3. L’exclusion est de deux ans, le maximum autorisé par la grille de sanctions publiques. Quid de l’avis du conseil de discipline ? C’est “une erreur d’appréciation des faits”, estime la Maire.

Suppression du poste d'assistante de conservation

Après concertations avec l’avocat de la mairie, Laurence Cabassut est réintégrée, le 2 mai. Quant à Claire Caron, son poste n’existe tout simplement plus après décision du conseil municipal du 27 avril, qui estime qu'il “représente un sureffectif au vu de l’intérêt du service”. Enfin le 6 mai, Claire Caron apprend que la mairie porte plainte contre elle, pour tentative d'intrusion dans le logiciel de gestion de la bibliothèque afin de récupérer des données. La bibliothécaire explique avoir récupéré les coordonnées de l’autrice de la pétition, sur demande de la gendarmerie. L’affaire n’est pas encore tranchée.

"Les sanctions sont disproportionnées, c’est hallucinant", commente Julien Vidal, le président du groupe Paca de l’Association des Bibliothécaires de France qui demande la levée de ces sanctions "aussi brutales qu’injustifiées."

Et la médiathèque ?

Selon l’avocat de Claire Caron, "nous sommes loin maintenant de l’accusation de participation à une pétition, qui n’a pu être prouvée par la mairie de Rognac. Il s’agit maintenant de défendre l’accès à la Culture pour les habitants d’une ville de 12 000 habitants et il s’agit de la survie d’une médiathèque qui, jusqu’en 2021, avait une très bonne fréquentation, de bonnes statistiques, un programme d’animation cohérent et original qui rayonnait même au-delà de la commune. Il ne lui manquait que des m2 et du personnel."

"J’entends que cet hébergement a duré plus longtemps que prévu, on a un projet peut-être trop ambitieux, mais cela ne nécessite pas d’entrer dans la polémique", défend auprès de Livres hebdo la maire Sylvie Miceli-Houdais. L'édile propose un nouvel emplacement pour la médiathèque dans un bâtiment énergivore qu’il faut rénover et qui abrite actuellement une école qu’il faudrait transférer ailleurs. Elle table sur une ouverture en septembre. 

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