Rentrée d'hiver 2025

Rentrée d'hiver des essais et documents : les temps extrêmes

Manifestation du 30 janvier 2023 contre la réforme des retraites - Photo Olivier Dion

Rentrée d'hiver des essais et documents : les temps extrêmes

L'actualité, qu'elle soit politique, féministe, écologique ou internationale, continue d'alimenter les programmes Essais et documents de maisons toujours aussi décidées à donner aux lecteurs et lectrices des grilles de lecture et des clés de compréhension sur l'état de notre monde.

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Par Cécilia Lacour
Créé le 07.01.2025 à 18h00

Toujours aussi soucieux de décrypter le monde, les éditeurs et éditrices ancrent leurs programmes au cœur de l'actualité,des airs du temps. Et des principales interrogations, problématiques, luttes qui traversent notre société. Continuant d'alimenter des rayons déjà bien nourris, les maisons n'abandonnent pas les questions de l'écologie, du féminisme, ni la guerre russo-ukrainienne ou les événements israélo-palestiniens.

Un scrutin brun

Une nouveauté, cependant. La dissolution de l'Assemblée nationale, prononcée par Emmanuel Macron le 9 juin dernier, a précipité les publications politiques. Benjamin Borel explore les conséquences de cet acte politique dans Le nouveau régime (Passés Composés) quand Étienne Campion dresse le portrait d'un Président toxique (Robert Laffont). Si le Nouveau front populaire (NFP) est arrivé en tête des élections législatives, le score du Rassemblement national a suscité bien des inquiétudes. Et fait fleurir quelques ouvrages sur l'extrême droite.

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L'hémicycle de l'Assemblée nationale.- Photo QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS VIA AFP

François-Xavier Demoures s'intéresse à la Montée de l'extrême droite (L'Aube) tandis que Vincent Jarousseau dresse le récit de dix années d'échanges avec ses électeurs et électrices avec Dans les âmes et dans les urnes (Les Arènes). Samuel Bouron plonge dans les rouages de la bataille culturelle menée par l'extrême droite pour rendre ses idées politiques consensuelles avec Politiser la haine (La Dispute). Sébastien Bourdon enquête sur « le renouveau de l'extrême droite radicale » dans Drapeau noir, jeunesses blanches (Le Seuil). Les législatives à peine terminées, la présidentielle de 2027 est déjà au programme des Petits matins avec la dystopie politique Marine Le Pen présidente de Guillaume Hannezo, Hakim El Karoui et Thierry Pech.

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Marche pour le climat- Photo OLIVIER DION

« Ce n'est pas à nous d'avoir honte »

Alors que le procès des viols de Mazan a fait l'objet de nombreuses Unes dans la presse, les violences infligées aux femmes reviennent en force dans les programmes. Avec Procès de Mazan, la déflagration (L'Observatoire), Cynthia Illouz revient sur l'affaire et met notamment en lumière la banalisation des violences. Le 84e numéro de La Règle du jeu édité par Grasset revient sur L'affaire Pelicot vue par des écrivains. Dans le catalogue de Divergences, Margot Giacinti dresse une histoire du féminicide « en France et ailleurs, du XIXe siècle à nos jours » dans Le commun des mortelles. Victime de violences conjugales, Tiphanie Bel relate son histoire dans Reste à ta place (Michalon). Aussi, Jean-Charles Le Roux revient sur l'affaire de Dominique Hébert, un maître-nageur condamné en 2019 pour viols et agressions sexuelles sur une vingtaine de mineurs. Dans Le maître-nageur (Albin Michel), l'auteur revient sur l'histoire des victimes.

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Manifestation de soutien à Gisèle Pelicot, le 14 septembre 2024 à Paris- Photo HANS LUCAS VIA AFP - AMAURY CORNU

La loi Veil, dépénalisant l'interruption volontaire de grossesse, fête en janvier son cinquantième anniversaire. Léa Veinstein met en récit les témoignages de femmes ayant eu recours à l'avortement, recueillis et filmés par l'INA, dans Il suffit d'écouter les femmes (Flammarion). Sous la direction de Stéphanie Hennette-Vauchez et Laurie Marguet, De haute lutte (CNRS Éditions) entend faire un point sur ce qu'il y a à savoir sur la « révolution de l'avortement ». Stéphanie Hennette-Vauchez et Thomas Hochmann dressent de leur côté une histoire « de la dépénalisation à la constitutionnalisation » de La loi Veil sur l'avortement (Dalloz).

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Librairie Les Mots à la bouche - Rayon LGBTQ+ -- Photo OLIVIER DION

Le féminisme reste solidement implanté dans les catalogues, bien que ceux-ci réinventent les approches. Sous la direction de Yolaine de La Bigne, L'animal féministe (Alisio) entend « explorer les relations entre mâles et femelles pour questionner les nôtres ». Carol J. Adams expose la relation entre les valeurs patriarcales et la consommation de viande dans La politique sexuelle de la viande (Le Passager clandestin). Cambourakis propose un Petit guide d'émancipation féministe carnavalesque. Caroline Ernesty et Agathe Moreaux mènent une enquête sur les pathologies liées à la sexualité des femmes dans Pourquoi le sexe fait mal (Hors d'Atteinte). Clara Serra analyse La doctrine du consentement (La Fabrique). Elisabeth Cadoche et Anne de Montarlot enquêtent sur La fabrique de la honte (Les Arènes) tandis que Laurence Rosier donne des clefs pour lutter contre la violence verbale dans La riposte (Payot). Le Nouvel Attila propose Les féministes t'encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine d'Alex Tamécylia.

Toutes les fiertés

La communauté LGBT+ fait, comme les rentrées précédentes, l'objet de quelques parutions. Thibault Lambert enquête sur les conséquences de l'application de rencontre sexuelle Grindr sur la communauté gay dans Ce que Grindr a fait de nous (Lattès). Avec Quand nos désirs font désordre (Lux), Mathias Quéré dresse une « histoire du mouvement homosexuel en France » de 1974 à 1986. Renaud Revel enquête sur les prises de position du pouvoir politique français face à l'homosexualité dans Homo politicus (First).

Cofondateur de l'association de lutte contre le sida Act Up Paris, Didier Lestrade livre ses Mémoires 1958-2024 (Stock). Élodie Hervé dénonce les idées reçues autour de la transidentité dans Transphobia (Solar). Le drag est-il encore politique ? s'interrogent les queens Paloma et Le Filip (Sphères). Alors que le projet d'ouverture d'un centre d'archives LGBTQI+ à Paris traîne depuis des années, Sam Bourcier prend Le pouls de l'archive (Cambourakis).

Feux verts

L'année 2024 devrait se terminer comme étant la plus chaude jamais enregistrée. L'urgence climatique est régulièrement déclarée mais avec peu d'actions concrètes derrière. L'océanographe française Françoise Gaill confronte ses idées à l'expérience de l'ancienne secrétaire d'État à l'écologie Brune Poirson dans Nous venons de l'océan et nous l'avons oublié (Équateurs). Seloua Luste Boulbina propose une « philosophie du végétal » dans Sortir de terre (Zulma). Sébastien Mabile livre son manifeste en faveur d'une Justice climatique (Actes Sud). La maison programme aussi le récit de voyage de Damien Delorme, L'autre rêve américain : un voyage à vélo vers le soi écologique ainsi que l'enquête de Pierre Weill, Une seule santé, consacrée aux liens entre les sols, les animaux et notre santé.

Denys Ribas revient sur le Déni climatique (Le Pommier) et Mathilde Ramadier invite à Renouer avec la terre (Le Seuil). Jean-François Rial et Matthieu Belloir imaginent des solutions dans L'apocalypse climatique n'est pas une fatalité (Archipel). Frédéric Neyrat souligne les effets de l'anthropocène dans La condition planétaire (Les Liens qui libèrent). Dans son Journal d'un paysan (Wildproject), Jean-Noël Falcou transmet son engagement pour un mode de vie respectueux du vivant. Aymeric Lazarin appelle à une meilleure connaissance de la biodiversité dans Renouer avec le vivant (Terre vivante).

À quand la paix ?

Volodymyr Zelensky a l'intention de mettre fin à la guerre en Ukraine en 2025. Presque trois ans après le début de l'agression russe, le conflit reste au cœur des programmes. Le réalisateur Michel Hazanavicius publie ses Carnets d'Ukraine (Allary) dans lequel il donne la parole aux hommes et femmes qui ont choisi de rejoindre l'armée dès le 24 février 2022. Victoria Amelina se concentre sur les femmes qui ont rejoint la résistance dans Regarder les femmes, regarder la guerre (traduit par Leslie Talaga, Flammarion).

Après Journal d'une invasion (2023), Andreï Kourkov poursuit son récit du conflit chez Noir sur blanc avec Notre guerre quotidienne (traduit par Johann Bihr et Odile Demange). Vladimir Caller analyse la guerre à partir des discours de Volodymyr Zelensky et de Vladimir Poutine dans Ukraine : des hommes, des faits, le piège (Temps des cerises). Léonid Guirchovitch et Luba Jurgenson entament un dialogue sur la guerre dans Tu ne sais pas comment ça finira (Verdier).

De même, la guerre au Moyen-Orient commencée avec les attaques du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023 continue d'alimenter les catalogues. Michaël Prazan décrypte le Hamas : des origines au 7 octobre (L'Observatoire). La maison programme aussi La question israélienne de Bruno Tertrais. Israël-Palestine, une guerre sans limites ? s'interroge Pascal Boniface dans le catalogue d'Eyrolles. Déplaçant le regard, Andreas Malm montre comment les intérêts occidentaux liés à l'extraction de combustibles fossiles dans la région ont conduit à la progressive destruction de la Palestine dans Pour la Palestine comme pour la Terre (La Fabrique). Et Constantin Pikramenos revient sur Hamas vs Israël : le fiasco du 7 octobre 2023, 50 ans après la débâcle du Yom Kippour (VA Éditions).

Dix essais prometteurs

Après les retentissants Un président ne devrait pas dire ça (Stock, 2016), L'histoire secrète de la droite française (Fayard, en deux volumes, 2019 et 2020) et Le traître et le néant (Fayard, 2021), Gérard Davet et Fabrice Lhomme arrivent dans le catalogue de Flammarion avec une nouvelle enquête dont le sujet est tenu secret. Alors que la santé mentale a été déclarée Grande cause nationale en France pour l'année 2025, Jonathan Haidt explore la Génération anxieuse (Les Arènes). Il montre comment le smartphone perturbe le développement de l'enfant et explore les mesures que peuvent prendre les gouvernements pour remédier à ce problème. Eric Debarbieux enquête de son côté sur les différentes formes de violence à l'école dans Zéro pointé ? (Les Liens qui libèrent) tandis que Julio Vincent Gambuto invite à « remettre du sens dans un monde qui nous submerge de bullshit » dans Merci de me désabonner (Lattès). À l'heure où chaque élection dans le monde, ou presque, souligne une polarisation croissante, Bart Brandsma explique, dans La société polarisée (traduit par Johan-Frédérik Hel-Guedj, Payot), le fonctionnement de ce manichéisme, montre comment y échapper tout en estimant qu'il fait partie intégrante de la démocratie. Avec Nous, les humains : un voyage de 40 000 ans aux origines de la conscience, Charles Foster pose la question de savoir quel genre de créatures les humains étaient, sont et pourraient encore être. Bernard Lahire montre que le social humain s'inscrit dans le continuum du vivant dans Vers une science sociale du vivant (La Découverte). Catherine Wihtol de Wenden examine l'Immigration (Autrement), entre « indifférence, indignation, déshumanisation ». Tandis que Taïna Tervonen donne la parole à cinq Veilleurs (Marchialy) qui essaient de combler les défaillances de la politique migratoire en portant secours à celles et ceux qui traversent la mer pour rejoindre l'Europe. Et, alors qu'il est attendu que les sciences humaines et sociales prennent leur part dans les débats qui agitent nos sociétés, quatorze chercheurs et chercheuses se réunissent autour de Servitudes et grandeurs des disciplines (Gallimard) pour souligner que l'exigence de pluridisciplinarité qui se manifeste au plan international, en contradiction avec l'approche disciplinaire qui prévaut à l'échelon national.

Le capitalisme en questions

La remise en cause du système capitaliste demeure un sujet porteur. Dans une édition augmentée de Ne plus se mentir 2.0 (Rue de l'Échiquier), Jean-Marc Gancille dresse une analyse de l'état de la planète et de l'étendue des ravages du capitalisme. Nancy Fraser examine le capitalisme sous le prisme des zones non-marchandes dans Le capitalisme est un cannibalisme (Agone). Jeanne Guien expose Le désir de nouveautés : une promesse commerciale au coeur du capitalisme (La Découverte) tandis qu'Arnaud Saint-Martin se concentre sur Les astrocapitalistes (Payot). Les enjeux du capitalisme sont au cœur de titres à paraître chez Flammarion : Liberté, vérité, démocratie d'Arnaud Esquerre, Le monde confisqué d'Arnaud Orain et Play again dans lequel Guillaume Dagorret et Thibault de Vésinne-Larüe présentent le capitalisme comme un jeu vidéo. Quinn Slobodian livre une vision alarmante du futur proche dans Après nous le déluge ou le capitalisme sans la démocratie (Le Seuil) tandis que Les Liens qui libèrent publie le deuxième numéro de Frustration magazine avec pour thème « Comment tenir ? » face au système en place et au capitalisme. Plus optimistes sans doute, Philippe Rodriguez et François de Rugy tentent de montrer Comment la technologie peut sauver la planète (Dunod) tandis que Fanny Henriet se questionne : L'économie peut-elle sauver le climat ? (PUF). Le débat reste ouvert. 

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