Petites précisions sur la fin du monde d'Yves Cochet (Les Liens qui libèrent). Créer des ponts entre les mondes (TP) de Gabrielle Halpern (Fayard). Choisir l'avenir. 10 questions sur le monde qui vient de Nicole Gnesotto (CNRS éditions). À eux trois, ces titres résument le fil conducteur adopté par les maisons en cette rentrée d'essais et documents. Laquelle compte, au 3 juin, 1 396 titres programmés d'août à octobre selon Electre Data Services (-6 % par rapport à l'an passé). Les catalogues s'emparent massivement de thématiques devenues habituelles et incontournables comme l'écologie, les luttes LGBT+ et féministes, ou la politique. Mais après de très nombreuses parutions sur ces sujets, le cru de l'été 2024 est marqué par un déplacement du regard et des approches plus pointues.
Tsunami vert
En matière d'écologie, Eryck de Rubercy dresse la synthèse de toutes les connaissances sur les arbres et les forêts, explorant notamment leur rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique dans L'univers des arbres (Bouquins). Dans Rendre l'eau à la terre (avec les illustrations de Suzanne Husky, Actes Sud), Baptiste Morizot promeut une alliance avec le castor pour développer la biodiversité et les écosystèmes. Jeremy Rifkin donne à voir un futur à l'aune des conséquences du dérèglement climatique dans Planète Aqua (traduit par Paul Chemla, Buchet-Chastel).
De son côté, Aude Vidal analyse les dégâts écologiques, mais aussi culturels et sociaux, qu'engendre le tourisme dans Dévorer le monde (Payot). Peter Frankopan raconte comment les épisodes climatiques ont façonné l'histoire humaine dans Les métamorphoses de la Terre (Tallandier). Dans Polluer, c'est coloniser (traduit par Valentine Leÿs, Amsterdam), Max Liboiron interroge les ambiguïtés du recyclage et du nettoyage en montrant la mise en place de rapports coloniaux à la terre. Dans le catalogue de La Découverte, Pierre Charbonnier explore les liens entre guerre, paix et nature dans Vers l'écologie de guerre. Une histoire environnementale de la paix. La Plage lance une série Urgence écologique avec quatre titres : Le monde de l'influence face à l'urgence écologique, Le monde de la mode face à l'urgence écologique, Le monde du journalisme face à l'urgence écologique et Le monde de la gastronomie face à l'urgence écologique.
Avec Hydrogène mania (Le Passager clandestin), Aline Nippert enquête sur la réalité de l'industrie hydrogène qui permettrait de résoudre le problème du réchauffement climatique sans compromettre l'idéal de croissance. Théo Hareng part à la découverte des Écolieux français (Terre vivante). Marine de Guglielmo et Rémi Noyon présentent des projets insolites pensés pour lutter contre la crise climatique dans Climat d'urgence (Les Liens qui libèrent). Sous la direction de Baptiste Lanaspeze et Paul-Hervé Lavessière, plusieurs personnes livrent des clés pour concevoir des politiques territoriales écologiques cohérentes dans Villes terrestres (Wildproject). Géraldine Woessner et Erwan Seznec optent pour une enquête sur le milieu de l'écologie politique dans Les illusionnistes (Robert Laffont) tandis que Jean de Kervasdoué embarque pour « un voyage hallucinant chez les Verts » et dénonce le dogmatisme des écologistes dans La grande mystification (Albin Michel).
L'urgence #MeToo
Les vagues successives de parutions depuis 2018 n'ont pas freiné la volonté des maisons d'éclairer les luttes féministes. Mêlant écologie et antiracisme, Alexis Pauline Gumbs s'inspire des mammifères marins pour tirer des « leçons féministes noires » dans Non-noyées (Les Liens qui libèrent). Johanna Luyssen rend compte du « combat invisible des mères célibataires », dont 35 % vivent sous le seuil de pauvreté, dans Mères solos (Payot). Après la bible Notre corps, nous-mêmes (2020), Hors d'atteinte poursuit son travail de traduction de manuels féministes en se concentrant cette fois sur la parentalité avec Nos enfants, nous-mêmes.
Dans Ce que je veux sauver (Anne Carrière), Peggy Sastre milite pour recentrer la lutte sur les droits reproductifs, l'autonomie juridique et financière ou encore la libre disposition de son corps. Sophie Coste étudie ce qui incombe aux Gestes de femmes (Philippe Rey), qui sont associés à la sphère domestique, tandis que Soumaya Mestiri lance un appel Pour un féminisme décentré (Le Cavalier bleu). Laura Tripaldi interroge le rapport entre genre et technologie dans Gender tech (Lux, traduit par Muriel Morelli). Alors que le cinéma français contribue d'être ébranlé par les accusations de violences sexuelles, Geneviève Sellier explique comment Le culte de l'auteur (La Fabrique) a créé la possibilité de ces abus.
Claude Habib interroge les disparités entre public et privé, centrées sur le droit des femmes, dans Le privé n'est pas politique (Gallimard). De son côté, Caroline Fourest cherche à « trouver l'équilibre après la nouvelle révolution sexuelle » dans Le vertige MeToo (Grasset). Dans la lignée de son personnage de sexologue dans la série Sex education, l'actrice américaine Gillian Anderson montre la diversité de Nos désirs (Denoël) en racontant « 174 fantasmes féminins du monde entier » recueillis à travers des lettres qui lui ont été adressées.
Au chevet du monde
Les maisons d'édition se font aussi l'écho des luttes féministes dans d'autres pays. Trois ans après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, Fawzia Koofi raconte ses combats pour faire évoluer le statut des femmes dans Lettres à mes sœurs (Michel Lafon). En 2022, la mort de Jina Mahsa Amini provoque de vives manifestations en Iran, sous le slogan « Femme, vie, liberté ». Kamyar Abbasi et Marine Courtade donnent la parole aux acteurs et actrices de la révolte iranienne dans Femme, vie, liberté (Rocher). Le Mouvement de libération des femmes et l'Alliance des femmes pour la démocratie retracent le combat Des Iraniennes (Des femmes - Antoinette Fouque). Philippe Lemoine revient sur la manière dont le slogan iranien est devenu mobilisateur au niveau international dans L'aventure du XXIe siècle (L'Aube). Se faisant passer pour une touriste, la journaliste Anne-Isabelle Tollet fait le récit de son Voyage interdit (Cherche midi) en Iran et y raconte le pays depuis 2022.
L'actualité sanglante de Gaza depuis le 7 octobre dernier continue de trouver un relai dans les programmes. Plusieurs titres retracent cette terrible journée : Et nous danserons encore de Sébastien Spitzer (Albin Michel), Samedi rouge de Daniel Haïk (L'Archipel), Les portes de Gaza d'Amir Tibon (traduit par Colin Reingewirtz, Bourgois). Ibrahim Khashan raconte La vie sous les bombardements (traduit par Samia Mallié et Gérard Blot, Le Temps qu'il fait). Pour mieux comprendre le conflit, Mohamed Sifaoui décrypte le Hamas, plongée au cœur du groupe terroriste (Rocher). Didier Fassin dénonce le soutien occidental au massacre de la population gazaouie dans Une étrange défaite (La Découverte) et Denis Charbit observe Israël, l'impossible État normal (Calmann-Lévy).
Enfin, alors que les élections présidentielles aux États-Unis approchent, François Heisbourg imagine Un monde sans l'Amérique (Odile Jacob) et Amy K. Greene interroge L'Amérique face à ses fractures (Tallandier). Laurence Nardon explique La géopolitique de la puissance américaine (Puf) tandis que Jacques Baud analyse « la guerre de tous les dangers » dans Chine-États-Unis (Max Milo). De quoi aider lecteurs et lectrices à mieux se repérer dans un monde en mouvement permanent.


