Ce rapport souligne d’emblée « un phénomène déjà ancien de fragilisation des conditions de vie et de création des artistes-auteurs, aggravé récemment par des facteurs conjoncturels, tandis que les artistes-auteurs demeurent insuffisamment organisés pour faire entendre leur voix et que les pouvoirs publics ne les prennent qu’imparfaitement en considération dans leurs politiques. » Globalement, de manière à peu près unanime, les artistes-auteurs ont affirmé l’attachement à la notion de droit d’auteur par rapport au copyright anglo-saxon et « si la revendication d’un plus juste retour pour les artistes-auteurs s’est exprimée avec force, chacun était conscient de la nécessité de maintenir la solidité d’ensemble des différentes filières économiques dont l’auteur représente le premier maillon ». Et d’insister : « une politique en faveur des artistes-auteurs n’est pas un luxe. »
Bruno Racine constate que « la dégradation de la situation économique et sociale des artistes-auteurs se traduit par une érosion de leurs revenus, en dépit de l’augmentation générale de la valeur créée » , soulignant que « les jeunes et les femmes sont particulièrement exposés aux difficultés socio-économiques ». Outre l’aspiration à un statut, les artistes-auteurs « pâtissent du déséquilibre des relations avec les acteurs de l’aval (éditeurs, producteurs, diffuseurs, etc) » ajoute le document, et de facteurs conjoncturels (réformes sociales, difficultés administratives, réforme des retraites).
La multiplication des représentations des artistes-auteurs ne favorise pas « la défense d’intérêts professionnels communs » tout comme les interventions des pouvoirs publics sont « rarement coordonnées » et les aides « excessivement modestes ».
Le rapport s’inquiète également des risques engendrés par les nouveaux modes de création, qui permet une plus grande créativité, mais « renforce le report de charge vers l’auteur » et amène « un risque de surproduction et de destruction de valeur, sans résoudre le lien de dépendance des artistes-auteurs envers les acteurs de l’aval ».
Le rapport ne remet pas en question le rôle de l’Etat, mais demande à ce qu’il soit exemplaire (droits d’auteur), régulateur, promoteur de l’excellence, de la diversité et de la prise de risque. « La question de la légitimité et de la pertinence des choix de l’État est posée, le consensus est à peu près général sur le principe notamment parce qu’il n’y a plus aujourd’hui d’instances de jugement par les pairs qui puissent prétendre faire autorité : ceux qui critiquent l’existence d’« artistes officiels » ont en général d’autres noms à proposer. Enfin, l’importance croissante du rôle que jouent les collectivités territoriales dans le domaine culturel, tout comme le développement de l’initiative privée, encouragée notamment par une législation favorable au mécénat, conduisent l’État à se préoccuper de la meilleure manière d’établir ou d’accroître la synergie entre des acteurs qui tiennent à leur autonomie de décision. »
Il préconise ainsi 23 recommandations afin de « prendre en compte la demande de statut des artistes-auteurs à travers une meilleure reconnaissance de leur professionnalité, de définir un nouveau cadre de concertation, dans lequel ceux-ci seraient mieux représentés, de proposer à la négociation collective une feuille de route de réformes protectrices et, enfin, de renforcer les politiques publiques de soutien aux artistes-auteurs. »
La mission souligne que certaines de ces mesures conditionnent les autres:
- renforcer les artistes-auteurs collectivement, par l’organisation rapide d’élections professionnelles qui permettront de donner corps et légitimité au Conseil national des artistes-auteurs à créer afin de servir de cadre à la négociation collective avec les diffuseurs;
- conforter l’artiste-auteur au niveau individuel, en mettant à l’étude sans délai la définition d’un contrat de commande prenant en compte le travail de création ; en demandant aux organismes de gestion collective de réserver une part de leurs crédits d’action culturelle aux aides bénéficiant directement aux artistes-auteurs, part qui ne devrait pas descendre au-dessous d’un taux à fixer ; en conditionnant toute aide publique au respect des droits des artistes-auteurs, ce principe s’appliquant notamment à la mise en oeuvre effective du droit de représentation dans le domaine des arts visuels et à la rémunération de certaines catégories d’auteurs dans les salons et festivals.