Certains enfants ne grandissent jamais. "J’aurai toujours dix ans", avoue Ana qui relate son expérience traumatisante. Celle d’une petite fille croate vivant à Zagreb, au sein d’une famille aimante. L’atmosphère s’alourdit avec l’apparition de tensions. Les premiers raids aériens sonnent le glas de l’enfance. "Effet secondaire de la guerre moderne, nous avions le privilège étrange de regarder à la télévision la destruction de notre pays." Milosevic parle de purification, une notion encore abstraite pour la fillette.
Pour l’heure, c’est sa petite sœur qui suscite l’inquiétude. Sa santé décline, alors leurs parents tentent tout pour la sauver. Direction : la Bosnie, une destination très risquée. Ana et ses parents se font piéger. La petite héroïne survit au carnage, mais elle est en état de choc. Recueillie par des villageois, elle rejoint bientôt la lutte armée. Un pan de vie, qu’elle préfère oublier dix ans plus tard. Mais peut-on faire table rase du passé ?
Ana sait qu’elle ne sera jamais une parfaite Américaine, or elle se démène comme elle peut. "Ici personne ne sait qui je suis, même pas moi." Lorsque l’Onu requiert son témoignage, elle saisit à quel point elle a été scindée. N’est-il pas temps de retourner en Croatie pour recoller les morceaux ? C’est avec beaucoup de délicatesse que Sara Novic retrace la détresse et l’espérance de cette femme perdue. Editrice et enseignante en écriture, la primo-romancière nous rappelle que la survie dure bien au-delà du temps de la guerre.
K. E.