Le 26 novembre 2008, et deux jours durant, à Bombay, dix terroristes islamistes ont semé la mort et la terreur, laissant au fil de leur sanglante équipée 165 victimes. Parmi eux, deux Français, la fondatrice de la marque de lingerie Princesse tam.tam, Loumia Hiridjee, et son mari, Mourad Amarsy, qui dirigeait l’entreprise à ses côtés. Après la vente à un consortium japonais, le couple et leurs trois enfants, désireux de se rapprocher de leurs origines et de participer au "miracle économique" indien, s’étaient installés à Bombay. C’est là que Loumia avait donné rendez-vous le 28 novembre à Michèle Fitoussi qu’elle ne connaissait que depuis quelques mois, mais dont elle pressentait qu’elle pourrait devenir une amie…
Il y a pire que de perdre une amie, c’est de se voir retirer la chance de s’en faire une. La nuit de Bombay, le sobre et douloureux livre de Michèle Fitoussi, est tissé de ce lancinant regret. C’est un récit d’effroi et de tendresse. Le roman vrai d’une famille de musulmans chiites venus d’Inde, exilés à Madagascar et pour qui la France et Paris formaient une terre promise. Des commerçants dans l’âme, une tribu familiale qui joue à saute-mouton d’un océan à l’autre, où la créativité et le goût d’entreprendre semblent équitablement partagés. Des nomades plus que des exilés qui savent confusément la vérité profonde de la phrase de Barthes, "il n’est pays que de l’enfance".
C’est sur ces rivages-là que le livre de Michèle Fitoussi est le plus précieux. Lorsque l’auteure retrouve celle qui aurait pu (dû ?) devenir son amie en exhumant une communauté de vie et de destin. Il n’y a pas si loin entre la petite Indienne de Tananarive et la petite juive de Tunisie, les mêmes rêves, les mêmes horizons, la même quête d’identité. Olivier Mony