Ce beau livre constitue le catalogue de l’exposition "Olga Picasso", qui se tient au musée Picasso du 21 mars au 3 septembre. Laquelle, outre des dessins et tableaux de l’artiste inspirés par sa première femme, Olga Khokhlova (1891-1955) - on compte 140 œuvres de Picasso (1881-1973) qui portent le nom "Olga", même après leur rupture -, montre un grand nombre de documents inédits retrouvés dans la malle-cabine d’Olga par sa famille. Cela grâce à son petit-fils, Bernard Ruiz Picasso - fils du malheureux Paulo, écrasé par ce père, génial et monstrueux, à qui il n’a survécu que deux ans -, l’un des codirecteurs de l’ouvrage. Noire et rouge, marquée aux initiales de sa propriétaire, O. P., émouvante, la malle est un véritable coffre aux trésors, des photos et des lettres, notamment, qui racontent le destin de cette femme méconnue et souvent malmenée par les biographes, qui ne s’intéressent en général qu’au Maître, pas à ses satellites.
Olga Stepanovna Khokhlova est née à Nijin, en Ukraine, en 1891, dans une famille nombreuse et bourgeoise. Son père était officier de l’armée du tsar. Danseuse, elle intègre, en 1911, la troupe des Ballets russes de Diaghilev, et part en tournée avec eux. La Révolution la trouve donc à l’étranger, mais elle gardera toujours un lien puissant avec son pays, et avec sa famille, qu’elle essaiera d’aider. C’est peu avant, cette même année 1917, qu’elle fait la connaissance, à Rome, de Picasso, venu présenter avec Cocteau le ballet Parade. Coup de foudre. Mariage en 1918, et naissance de Paulo en 1921. Madame Ruiz Picasso abandonne sa carrière et devient la "muse silencieuse" de son mari, mais surtout son modèle privé et exclusif.
En tant que sujet de dessins, de tableaux, parfois mis en scène comme le fameux Olga à la mantille, où le peintre andalou "hispanise" son épouse russe, Olga incarne les étapes de la création de Picasso, dont les métamorphoses stylistiques, du néoclassicisme à la véritable révolution dans la peinture qu’il opère, sont étourdissantes, parfois simultanées, avec de nombreux allers et retours.
"Leur" œuvre demeure. Leur histoire, en revanche, s’est mal terminée. Picasso menait une double vie dès 1935. Ils se sont séparés en 1940 mais il a refusé le divorce. Jusqu’à sa mort, Olga est demeurée Madame Picasso. Légitime et inconsolée. J.-C. P.