Partant du principe que la vie est une blague dont la chute n'est pas drôle et à laquelle seule la littérature donne du sens, alors Adam Ross est un magnifique écrivain. Ce New-Yorkais bon teint, qui vit désormais à Nashville, ex-enfant acteur pour panouilles télévisées et réclames pour des corn flakes, a été découvert en France l'an dernier lorsque la collection "Grand format" de 10/18 traduisit son premier roman, Mr Peanut, loué par des gens aussi divers que Stephen King, Jonathan Coe ou Richard Russo, et traduit en 13 langues. Il revient aujourd'hui, cette fois-ci avec un recueil de nouvelles, Ladies & gentlemen. Si le roman s'attachait à la désintégration d'un mariage, ces nouvelles sont toutes des récits de formation, ou plutôt de déformation, tant le désenchantement semble en constituer l'identique décor. Un chômeur croit retrouver du travail dans une entreprise de méditation transcendantale, un professeur célibataire prête trop d'attention aux confessions du concierge de son université, des étudiants explorent à leurs risques et périls la chambre où l'une des leurs s'est donné la mort, deux couples d'amis se souviennent d'une jeune femme trop douée, deux frères aux destins dissemblables cherchent à renouer le temps d'une nuit : ces histoires de peu, où rôdent mezzo voce les fantômes de la folie, tendent à prouver que rien n'est plus pénible que les débuts dans la vie, hormis, peut-être, ce qui s'ensuit... Dans la tradition carverienne des petits riens et des grands dégâts, Adam Ross applique implacablement un programme où tendresse et cruauté jouent un drôle de jeu. Il confirme ainsi avec autorité être l'une des plumes américaines majeures de ces prochaines années, et aussi que rater ses débuts dans la vie n'est pas la plus mauvaise manière de réussir ceux dans la littérature !