Avant-critique Roman

Percival Everett, "James", (Éditions de l'Olivier)

Percival Everett - Photo © Michael Avedon

Percival Everett, "James", (Éditions de l'Olivier)

Rentrée littéraire

Couronné par les prestigieux National Book Award et prix Pulitzer de la fiction, James de Percival Everett fait revivre un personnage de Mark Twain, un esclave en fuite aux États-Unis à la veille de la guerre de Sécession.

Parution 22 août

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Par Marie Fouquet
Créé le 04.07.2025 à 09h00 ,
Mis à jour le 04.07.2025 à 12h09

En redescendant le Mississippi. Réécriture du classique de Mark Twain Les aventures de Huckleberry Finn (1884), James se déroule aux États-Unis au milieu du xixe siècle, à l'aube de la guerre de Sécession. Percival Everett, auteur d'une quinzaine de romans, lauréat de plusieurs grands prix littéraires (dont le National Book Award en 2024 et le prix Pulitzer de la fiction en 2025 pour ce roman), reprend et développe le personnage de Jim (surnom de James), un esclave qui fuit ses propriétaires, craignant d'être vendu. Laissant femme et enfant, il entend bien revenir un jour sur ces terres et trouver un moyen de racheter sa famille elle aussi esclave. Mais les conséquences de sa fuite prennent des proportions qui le dépassent bien vite. Lui et son jeune compagnon de route blanc, Huck, multiplient, au gré de leur périple sur le Mississippi, les mauvaises rencontres : deux escrocs qui se font passer pour un roi français et un duc, des esclavagistes qui rachètent James sans tenir compte du droit de propriété, une communauté de dévots illuminés, des abolitionnistes qui n'en sont pas vraiment, des esclaves qui ne remettent pas en question l'esclavage... Au cours de leurs mésaventures, James et Huck, qui se perdent et se retrouvent, tombent heureusement aussi sur des alliés, mais peuvent surtout compter sur leur débrouillardise et leur intelligence. Qui est réellement James ? Et quel véritable lien lui et Huck entretiennent-ils ?

Percival Everett construit une intrigue passionnante et haletante, dans laquelle les personnages ne sont pas toujours ceux que l'on croit, bien souvent masqués derrière des faux-semblants et des jeux de dupes. Si la couleur de peau et la maîtrise de la langue déterminent qui est un esclave et qui est un maître, qui est un dominé et qui est un dominant, les métissages résultant du système esclavagiste brouillent les pistes, les apparences et les appartenances.

L'auteur parvient à traduire avec une adresse rare la psychologie d'un protagoniste hanté par les grands penseurs des Lumières - au cours de ses nuits agitées, James dialogue notamment avec Voltaire et Locke - et par son combat pour la liberté et la libération des esclaves. La connaissance qu'a James de la langue et de la littérature, ses capacités, tant à lire et à écrire qu'à les dissimuler, lui donnent la possibilité de s'en sortir. Car, selon lui, la lecture est « une pratique absolument intime, absolument libre et, par conséquent, absolument subversive ». Quant à l'écriture, la découverte d'un crayon lui permettant de coucher son histoire et ses idées sur le papier, elle lui confère une puissance qui participe à le maintenir debout malgré les tortures et les humiliations. « Avec mon crayon, je me suis mis au monde par l'écriture. » Les horreurs qu'il traverse comme les coups de chance dont il bénéficie le conduiront finalement à prendre sa revanche et à venger un certain nombre de ses semblables, pour la plus grande satisfaction du lecteur.

Percival Everett
James
Éditions de l'Olivier
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 23,50 € ; 288 p.
ISBN: 9782823622188

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