16 avril > Roman Grande-Bretagne

Pour qualifier le statut de ces nouvelles liées par leur thématique et leur date de rédaction à Mrs Dalloway, le roman de Virginia Woolf paru en 1925, Nancy Huston, traductrice de ces sept histoires assemblées en recueil il y a quarante ans par la critique Stella McNichol, parle de "répliques", au sens tellurique du terme. La première, Mrs Dalloway dans Bond Street, publiée dans un magazine en 1923, récit d’un trajet urbain jusqu’à une boutique de gants, préfigure le début de ce roman qui, le temps d’une journée à Londres, suit une quinquagénaire de la haute société, Clarissa Dalloway, dans les préparatifs d’une réception. Les six autres nouvelles isolent des invités périphériques qui, pendant la party, se tiennent "dans un coin du salon de Mrs Dalloway".

"Une conscience de soirée", voilà ce que cherchait à enregistrer Virginia Woolf à l’instar de Proust dont elle jugeait "remarquable", écrit-elle dans son journal en 1925, "la combinaison d’extrême sensibilité et d’extrême acharnement" : ce "stream of consciousness", instable, vibratoire où papillonnent, bouillonnent, "perlent" les pensées et les sensations des personnages… La réception chez les Dalloway offre un poste idéal pour observer le conflit entre la représentation et ce "flot sans fin" d’impressions : le sentiment d’infériorité, d’exclusion, de honte, masqué derrière les conventions de la conversation, les décalages de perception qui renvoient les interlocuteurs à leur solitude ("Ensemble et séparés").

Virginia Woolf partageait avec ses héroïnes cette ambivalence vis-à-vis du théâtre mondain, cette oscillation entre excitation et peur - ainsi qu’"une forte propension à l’extase", dit Nancy Huston. Comme le soulignait Lydie Salvayre, grande admiratrice de l’écrivaine, dans 7 femmes (Perrin, 2013), "Virginia Woolf m’apprend ou me réapprend […] que les hommes ont un cœur compliqué rempli de contrebande, que leurs mouvements intimes échappent à la raison, que leurs dissonances intérieures sont souvent mystérieuses, déchirants les paradoxes qui les accablent, et labyrinthiques les combinaisons de leur esprit". Ces sept nouvelles confirment un génial talent.

Véronique Rossignol

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