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À Paris, l'appel à l'aide de la librairie féministe Majo

Margot Lapujade (à gauche) et Juliette Delain (à droite) posent dans la librairie Majo - Photo librairie Majo

À Paris, l'appel à l'aide de la librairie féministe Majo

Le 30 août dernier, le compte Instagram de la librairie féministe Majo postait en story « Notre librairie est au plus mal ». Une bouteille à la mer jetée par ses cofondatrices Juliette Delain et Margot Lapujade, bien décidées à sauver leur enseigne en difficultés financières.

Par Louise Ageorges
Créé le 03.09.2024 à 17h01 ,
Mis à jour le 16.09.2024 à 10h51

Le 18 octobre 2022, Juliette Delain et Margot Lapujade ouvraient la librairie Majo au 27 rue des Boulangers dans le cinquième arrondissement de Paris. Un aboutissement pour les deux jeunes femmes qui se sont rencontrées sur les bancs de l’université. L’une venait de l’animation, l’autre du consulting, avant de s'accorder sur leur rêve d’indépendance, leur besoin « de redonner un sens au travail ». L’idée leur vient alors de créer un lieu militant, de rencontre, de réflexion et surtout un espace privilégié pour les autrices et auteurs minorisés.

Essais, romans, BD, jeunesse, la librairie compte une moyenne de 6 000 références. L’établissement comprend alors un espace papeterie et un salon de thé vegan conçu pour favoriser la convivialité. Dédicaces, conférences et évènements divers viennent également rythmer l’année.

Mais après presque deux ans d'activité, Juliette Delain et Margot Lapujade peinent à trouver leur point d'équilibre.

Causes multifactorielles

Aux dires de Juliette Delain, jointe par Livres Hebdo, les causes des difficultés sont multifactorielles et ne datent pas d’aujourd’hui. Dès son financement, il y a maintenant deux ans, la librairie a été confrontée aux réticences de certains organismes d'aides aux créateurs d'entreprise. En cause, la reconversion professionnelle des deux collaboratrices, le salon de thé et la visée militante de l’établissement.

Un début difficile auquel se sont ajoutées des charges élevées, aggravées par un emplacement éloigné des grands axes. Les deux libraires ayant eu un réel coup de cœur pour le local, Juliette Delain déplore une rue peu passante ne bénéficiant pas des achats d’impulsion propres aux librairies de boulevards.

Enfin, la visée militante de la librairie Majo est un choix qui, d’après Juliette Delain, reste à double tranchant. Dans un quartier plus que fourni en librairie, la spécialisation féministe de la librairie permet de se distinguer de l’offre généraliste, mais coupe inévitablement l'établissement d’un public de quartier, bien qu’en partie comblée par une clientèle fidèle prête à faire le déplacement de loin.

De manière conjoncturelle, les Jeux olympiques de Paris, ont eu pour effet de vider la capitale pendant la période estivale.

Des pistes de solution

Dans l'incapacité d'embaucher, les deux libraires ne comptent pas leurs heures (50 par semaine) et ont revu leur agencement. La partie salon de thé a été abandonnée, au profit d’un élargissement de l’espace papeterie, bien plus rentable. Dédicaces, rencontres et autres évènements sont quant à eux maintenus et permettent d'élargir à moindres frais la clientèle.

Contrairement à certains commerces rencontrant des difficultés similaires, les deux libraires ne souhaitent pas user de crowdfunding (financement participatif), préférant miser sur une solution de long terme. Elles souhaitent notamment développer les échanges avec les écoles et les comités d’entreprise afin de générer davantage de chiffre d'affaires.

La question de la visibilité est l'autre enjeu de la librairie Majo, qui souffre du manque de passage dans la rue des Boulangers. Juliette Delain et Margot Lapujade passent donc par les réseaux sociaux, le compte Instagram de la librairie comptant aujourd’hui plus de 18 000 abonnés. Dans une vidéo publiée le 30 août et intitulée « comment tu peux nous soutenir », elles donnent des pistes à celles et ceux qui aimeraient offrir leur aide.

Pour lancer cette communication en ligne, Juliette Delain dit s’être notamment inspirée de la librairie Flora Lit, située dans le XIVe arrondissement de Paris, pour qui une publication, parue le 13 mai 2024, fut un réel coup de pouce.

Un cas de figure répandu

La librairie Majo est loin d’être un cas isolé. Juliette Delain évoque un post similaire publié par la librairie Arborescence, située à Massy cette même semaine. Cette dernière met en lumière une problématique globale touchant les librairies indépendantes dans leurs premières années.

La libraire insiste d’ailleurs sur l’importance d’être transparente sur les difficultés rencontrées, prônant une forme de prévention. Juliette Delain témoigne de l’effet quasi-immédiat de son appel à l’aide. La librairie Majo connaît sur les réseaux sociaux une importante vague de soutien, mais également une nette augmentation des visites sur place.  

« Je n’ai aucun regret », se confie Juliette Delain, fatiguée mais heureuse de cette nouvelle vie. Au téléphone, elle insiste sur la portée militante de Majo, qui donne à l’établissement toute sa valeur. Une identité dont les deux libraires sont fières et sur laquelle elles ne feront pas de concession.

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