Cette première journée des Assises internationales de l'édition indépendante, consacrée à la bibliodiversité et à l'écologie dans le monde du livre, a permis de relever plusieurs axes de réflexion, tout en mettant le doigt sur un certain nombre de difficultés.
En premier lieu, la nécessité de s'informer sur les processus de fabrication, un "point aveugle chez les éditeurs" selon l'Alliance internationale des édieurs indépendants. "Les éditeurs doivent s'approprier les informations quant à la fabrication de leurs livres et du modèle économique autour de l'impression", assure Gilles Colleu, directeur de Vents d'ailleurs. Mais même quand les éditeurs et éditrices accèdent à ces informations, ils et elles n'ont pas nécessairement "le luxe du choix sur les matériaux utilisés dans la fabrication, comme le papier par exemple", pointe l'éditrice indienne Indira Chandrasekhar, fondatrice de Tulika Books, qui indique par ailleurs devoir avoir recours au plastique sur les couvertures de ses ouvrages, à cause du climat indien.
Vigilance
Le papier est pourtant le principal contributeur à l'impact environnemental d'un livre. "Il est fabriqué de manière industrielle au détriment des forêts", assure l'éditrice australienne Susan Hawthorne, cofondatrice avec Renate Klein de la maison féministe Spinifex Press. "Le risque est que la consommation de papier dépasse la capacité de régénération des ressources comme les forêts", abonde José Bellver, économiste, chercheur et spécialiste des questions d'écologie. Des certifications, comme PEFC et FSC, existent toutefois pour garantir que le papier est issu de forêts durablement gérées. "La certification FSC a un coût", rappelle Corinne Fleury, cofondatrice de l'Atelier des Nomades à l'Ile Maurice, qui imagine alors l'éventualité de "mobiliser les pouvoirs publics afin qu'ils soutiennent ces certifications".
Plusieurs professionnels ont par ailleurs invité leurs confrères et consœurs à être prudents face à des solutions n'étant finalement pas si vertes. "La majorité des encres végétales sont produites à base de soja, explique par exemple Susan Hawthorne. Mais la production de soja est très industrialisée, surexploitée et responsable de nombreuses déforestations". Il en va de même pour le livre numérique : "les minéraux nécessaires à leur fabrication sont de plus en plus rares", avertit José Bellver. Ou encore pour certaines solutions pour réduire le pilon, comme le don de livres invendus à des associations. Si cette alternative pourrait améliorer l'impact environnemental du livre, elle pose en revanche d'autres problèmes, comme le fait d'inonder les marchés des pays du Sud d'ouvrages édités dans ceux du Nord qui concurrenceraient directement des éditeurs locaux.
Autant de difficultés et de réalités complexes que le groupe de travail nouvellement créé devra prendre en compte dans la rédaction de son texte afin de représenter au mieux les enjeux de l'écologie du livre et les 750 maisons, situées dans 55 pays, membres de l'Alliance internationale des éditeurs indépendants.