Édition

En Italie, conversations avec Teresa Cremisi

Teresa Cremisi et Paolo Repetti - Photo Lorenzo Olivetti

En Italie, conversations avec Teresa Cremisi

Chaque année, Teresa Cremisi, présidente de la maison Adelphi, mène une série de conversations passionnantes avec des éditeurs au salon international du livre à Turin. Morceaux choisis. 

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Par Olivia Snaije , à Turin,
Créé le 27.05.2025 à 11h00

Quand la journaliste et écrivaine Annalena Benini a pris en 2024 la direction du salon international du livre de Turin, elle a demandé à Teresa Cremisi, grande figure de l’édition en Italie et en France, d’être curatrice d’une section « Édition » et de mener une série de conversations avec des éditeurs emblématiques pour parler de leur métier. Bien que le salon de Turin soit un évènement grand public, ces rencontres présentent un grand intérêt pour les professionnels tant pour l’expérience et qualité des intervenants que pour la manière dont Teresa Cremisi les encourage à parler avec franchise de leurs défis et de leurs succès, et parfois à révéler des potins, délectables à coup sûr pour ceux du métier. Livres Hebdo a assisté, lors du denier salon de Turin qui s'est terminé le 17 mai, à ces conversations. 

Ainsi, l’éditrice et réalisatrice italienne, Elisabetta Sgarbi, co-fondatrice de la nave di Teseo a raconté en détail son départ de la maison Bompiani après vingt-cinq ans en tant qu’éditrice et directrice éditoriale, à la suite du rachat par Mondadori piloté par Marina, la fille de Silvio Berlusconi. Au lieu de mener une ligne éditoriale, Elisabetta Sgarbi voit plutôt une « arabesque éditoriale » : chaque auteur et son catalogue forment une ile, et ces iles créent un archipel, a-t-elle dit. L’intuition est cruciale pour un éditeur, ainsi que la curiosité, mais « pas trop sinon on risque de se disperser ». Quand certains de ses auteurs sont partis chez d’autres éditeurs, la plupart « piqués » par Roberto Calasso (1941-2021), ancien président des éditions Adelphi, elle le vivait « comme une trahison amoureuse ».

Anagrama et Stile Libero

La deuxième conversation a eu lieu avec l’éditrice espagnole, Silvia Sesé, qui, en 2017, a repris les rênes éditoriales de la prestigieuse maison Anagrama fondée par Jorge Herralde et jusqu’alors indépendante. Ceci quasiment en même temps que la maison a été vendue au groupe italien Feltrinelli. Tout en préservant la ligne éditoriale et en renouvelant le fond du catalogue, Silvia Sesé a voulu aussi « représenter la sensibilité de notre époque ».  Anagrama publiait autrefois 90 livres par an avec une équipe de 18 personnes, contre 130 livres aujourd'hui avec une équipe de 43 personnes, dont un grand nombre de jeunes, et un département commercial et marketing. En réponse a la question de Teresa Cremisi sur leur indépendance par rapport à Feltrinelli, Sesé a souligné la différence entre une maison éditoriale italienne et espagnole, pour qui l’Amérique latine est essentielle. Leur expertise à travailler avec les autres pays hispanophones leur garantie une sorte d’indépendance au sein le groupe.

La dernière session a eu lieu avec Paolo Repetti, dont la collection Stile Libero qu’il a fondée chez Einaudi avec Severino Cesari (1951-2017) aura trente ans l’année prochaine. L’éditeur a raconté son arrivée chez Einaudi dans les années 1990, quand le catalogue était encore basé sur les choix faits dans les années 1950 et 1960. C’était le moment de rentrer dans un débat plus moderne, a-t-il raconté, et les choix de Stile Libero signifiaient une rupture avec l’Einaudi traditionnel. Pourtant, il n’a jamais subi de pression politique pour le travail qu’il menait, même quand la maison est venue sous le contrôle de Mondadori. « Nous avions du succès alors on nous laissait tranquilles ». Bien que Paolo Repetti se soit décrit comme un « grand angoissé », l’éditeur semble prendre les choses comme elles viennent en ce qui concerne les multiples éléments de changement dans le monde de l’édition.

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