Académie suédoise Nobel 2020. - Photo RickardL.Eriksson
Nobel, la fin des scandales ?
Il y a trois ans, en plein déferlement #MeToo, des accusations de viols révélées dans la presse faisaient exploser la prestigieuse académie suédoise, en charge de remettre le prix Nobel de littérature. Un an plus tard, une double couronne était remise, l'une d'elles allant au controversé auteur autrichien Peter Handke. Après les années de polémiques, et alors que le prix 2020 sera annoncé le 8 octobre, le Nobel peut-il (vraiment) se réformer ?
Il y avait quelque chose de pourri au royaume du Nobel de littérature. Nous sommes fin 2017 et un Français plonge l'académie suédoise, et avec elle le prix littéraire le plus convoité de la planète, dans la tourmente. Dans le sillage du mouvement #MeToo, Jean-Claude Arnault, marié à une académicienne, est accusé dans la presse suédoise par dix-huit femmes d'avoir utilisé son influence dans le milieu littéraire et intellectuel pour abuser d'elles sexuellement. Une centaine d'autres accusations suivront. S'il a depuis été condamné, emprisonné (et même libéré), son cas divise alors les membres de l'académie. Le ton monte, les « immortels » se déchirent, les dossiers sont déterrés. Entre révélations ur des malversations financières et fuites autour des annonces des prix, le public perd sa confiance dans la première institution intellectuelle du pays. Les démissions s'y enchaînent jusqu'à aboutir à l'impensable : l'annulation de la remise du Nobel 2018 et son report à 2019.
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Durant une année, le petit groupe de dix-huit Suédois qui, comme le veut le testament d'Alfred Nobel, remet le prix littéraire, se transforme. Sept changements sont opérés en un an, et les académiciens font appel à un comité de critiques pour les aider dans leurs choix. Deux prix sont remis en fin d'année 2019. Le premier va à la Polonaise Olga Tokarczuk, féministe et écologiste engagée. Le second choix, nettement moins politiquement correct : Peter Handke, auteur autrichien sur la liste des Nobel depuis des années. Auteur d'une œuvre aussi dense que diverse, l'écrivain s'est également fait connaître pour ses positions politiques radicales et sa proximité avec l'ancien président serbe Slobodan Miloševi?. Nouvelle polémique, nouvelles tensions internationales... Voici à quoi pourrait ressembler, après trois années agitées, le prix Nobel de littérature 2020.
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Arrivé au cœur de la tempête au sein de l'académie suédoise en octobre 2018, et devenu depuis son secrétaire perpétuel, l'écrivain et traducteur suédois Mats Malm nous l'assure : pas question pour l'institution de se laisser influencer par les pressions extérieures. « Le comité Nobel et l'académie travaillent selon le mandat qui leur a été confié. De toute évidence, le prix peut avoir des effets politiques. Mais les pressions diverses et les intentions politiques ne sont en aucun cas autorisées à influencer en quoi que ce soit notre travail », explique-t-il. Pour lui, rien ne remettra en cause l'indépendance et le prestige du plus grand prix littéraire du monde. Il l'assure, durant ses délibérations de cette année, « les travaux du comité Nobel ont beaucoup ressemblé à ceux de l'année dernière. Nous ne dévions pas de notre route ». De quoi s'attendre à un nouveau Peter Handke et donc à un nouveau millésime explosif pour 2020 ? « Chaque prix Nobel est spécial », botte en touche l'évasif patron de l'académie suédoise...
Des gardes fous
Après les dégâts causés dans les rangs des académiciens par le scandale Arnault, l'académie a tenté de regagner la confiance du public en élargissant - sous la pression de la Fondation Nobel -le comité qui la compose. Pour s'ouvrir à l'extérieur, cinq experts externes - des critiques littéraires suédois - ont été nommés pour travailler à la sélection des lauréats 2018, 2019 et 2020. Deux d'entre eux ont renoncé à leur tâche fin 2019, et n'ont pas été remplacés. Reste donc cette année trois experts extérieurs en plus des quatre académiciens qui constituent actuellement le comité Nobel. Autres nouveautés de l'édition 2020, en lien avec la pandémie : si l'annonce du lauréat 2020 aura bien lieu comme prévu le 8 octobre, le prix sera officiellement remis le 10 décembre (jour anniversaire de la mort d'Alfred Nobel) « sous une forme nouvelle », d'après la Fondation Nobel. Comprendre : sans public. Pour la suite, on sait seulement qu'après l'annonce du lauréat 2020 un nouveau comité Nobel sera nommé. « Pour 2021, des arrangements différents seront utilisés. Les détails et dispositions spécifiques seront officialisées ultérieurement », nous indique sobrement l'académie.
Le jeu des pronostics
Dans le triple contexte de la crise sanitaire, de l'annulation de 2018 puis de la polémique de 2019, bien malins ceux qui parviendront à deviner le 114e récipiendaire du Nobel de littérature. L'an passé, le jury avait promis d'« ouvrir ses horizons » et d'inverser la « domination masculine » et l' « euro-centrisme » du prix décerné depuis 1901... Tout en remettant deux prix à deux auteurs européens ! De tout temps, les choix de l'académie ont toujours été incertains, parfois surprenants (on se souvient de Bob Dylan, il y a quatre ans), dans tous les cas difficiles à prévoir. Ce qui n'empêche pas les fameux bookmakers des pays anglo-saxons de compiler comme chaque année leurs cotes. Et les mêmes grands noms de la littérature mondiale reviennent inlassablement. En bonne place, citons les Canadiennes Anne Carson et Margaret Atwood, la Chinoise Can Xue, le Japonais Haruki Murakami. Dans la presse internationale reviennent aussi les noms de plusieurs figures nationales : l'Israélien David Grossman, la Russe Lioudmila Oulitskaïa, le poète syrien Adonis ou encore le grand romancier australien Gerald Murnane. Côté francophone, la Guadeloupéenne Maryse Condé figure toujours parmi les favoris. Rappelons qu'en 2018, après l'annulation de la remise du prix, un « Nobel alternatif » lui avait été remis. Plus loin dans les analyses des bookmakers, on retrouve aussi Milan Kundera, prétendant au Nobel depuis plusieurs décennies, ou même encore George R. R. Martin, célébrissime auteur de la saga Game of Thrones, affichant une cote à... 250 contre 1.
Les artistes rassemblés au festival international de science-fiction des Utopiales, du 31 octobre au 3 novembre à Nantes, ont pointé les faiblesses du genre, notamment quand il s’essaie à la dystopie. Comment réparer les « erreurs » de la SF, et quelles sont les voies possibles ? Recueil de voix inspirées.