Dans une ville américaine sans âme, avec ses fast-foods, ses bars miteux, ses stations-service et ses panneaux publicitaires, Alexandre et César traînent leur misère et leur ennui. Le premier, hâbleur, a un avis sur tout et est obsédé par Elvis et la Bible, au point d'en rêver la nuit. Le second, plus taiseux, est hypocondriaque et obnubilé par la décrépitude de son corps. Un matin, à son réveil, César trouve à son chevet un chien replet et impassible. D'où sort-il, que lui veut-il ? En regardant les informations locales à la télé, César et Alexandre apprennent que le chien appartenait à un homme retrouvé mort dans sa maison incendiée. Désireux de rendre l'animal à un proche de la victime, ils se rendent sur les lieux du drame. Là, la police les informe qu'il s'agit vraisemblablement d'un suicide, ce qu'ils se refusent à croire. Pour eux, c'est un meurtre, et il leur faut mener l'enquête. Mais les choses ne vont pas tarder à dérailler...
Succédant à Les os creux, la tête pleine publié aux éditions Réalistes (cofondées par Ugo Bienvenu), Hound Dog est la deuxième bande dessinée de Nicolas Pegon. Après avoir étudié le graphisme et le cinéma d'animation, il est devenu réalisateur de courts-métrages, de clips et de films publicitaires, où il a probablement acquis ce sens du cadrage et de l'efficacité qui frappe dans Hound Dog. Savamment construite, cette histoire de perdants pas vraiment magnifiques joue avec les codes et l'imagerie du film et du roman noirs. Nicolas Pegon rythme parfaitement l'intrigue, alternant les discussions entre ses deux antihéros, leur enquête, leurs états d'âme respectifs. Le suspense s'épaissit au fur et à mesure, on en vient à ne plus savoir si César et Alexandre s'inventent des histoires ou s'ils sont vraiment sur une piste sérieuse. Le décor, cette ville étrangement assoupie et vide, est dessiné d'un trait sombre et précis à mi-chemin entre Le roi des mouches de Mezzo et Pirus et Tyler Cross de Brüno et Nury. Comme dans ces albums, on est renvoyé à mille images cinématographiques et télévisuelles familières de banlieue américaine angoissante et propice au crime.
Références à la pop culture, humour froid, seconds rôles de choix (un mystérieux collègue, une survivaliste effrayante...) complètent ce tableau bien brossé. Il y a dans Hound Dog un peu de Lynch, de Tarantino et des frères Coen. Il y a surtout un beau savoir-faire dans la façon de dépeindre des petites vies tragiques sur fond d'hommage au cinéma et à la musique US.
Hound Dog
Denoël Graphic
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 24,90 € ; 200 p.
ISBN: 9782207159064