Livres Hebdo : Pourquoi avoir accepté la présidence du jury du Grand Prix des Bibliothèques ?
Nathalie Azoulai : Parce que je suis honorée et heureuse de participer à un événement qui défend aussi bien le temple de la lecture, une activité intellectuelle première, principale, sans laquelle l'histoire humaine ne serait pas la même, et qui, comme on sait, est menacée de toutes parts.
Quelle est la bibliothèque de votre enfance ?
Le mot bibliothèque est à la fois ce lieu public et ce lieu intime, donc je répondrais de deux façons. Pour la bibliothèque personnelle, c'est la bibliothèque rose, des contes et légendes, des collections qui n'existent plus. Mais il y avait peu de livres chez moi, quelques livres de poche lus par mes frères et sœurs avant moi, notamment ceux de Proust laissés en héritage, mais rien d'autre de majeur. Adolescente, je me suis aussi beaucoup rendue à la bibliothèque municipale de ma ville en banlieue parisienne, j'ai emprunté beaucoup de livres, découvert beaucoup d'auteurs grâce à cet endroit situé près de mon lycée. Mes premiers livres en grand format viennent de là.
« Une bibliothèque est forcément mal ajustée, excessive, brouillonne »
Et votre bibliothèque étudiante ?
Je dirais que ça a été ma première œuvre, que j'ai adoré la constituer car je partais de très peu de choses. J'ai acheté des livres en pagaille et à 18 ans, mes premières Pléiade, celles de Proust pour remplacer les livres de poche écornés et lire La Recherche en toute autonomie, dans des livres neufs. Je ne suis pas du tout bibliophile mais la lecture a parfois cette dimension physique capitale, une texture, une odeur, un toucher. D'où le mal que j'ai à lire sur tablette qui provoque peu de sensations ou en tout cas, très différentes. J'imagine mal une bibliothèque de tablettes !
Fréquentez-vous encore les médiathèques ?
Je les ai beaucoup fréquentées avec mes enfants quand elles étaient petites. C'était même un rituel d'aller lire dans la bibliothèque du quartier le mercredi après-midi. Elles s'asseyaient, s'allongeaient, ouvraient de nouveaux albums, on y restait longtemps. Je les regardais faire, je lisais avec elles, c'étaient là de vraies parenthèses.
Une bibliothèque (et/ou bibliothécaire) qui vous a marquée ?
Peut-être celle-ci justement, située avenue Parmentier dans le XIe arrondissement de Paris. Quand je passe aujourd'hui devant, j'ai toujours un pincement au cœur. J'ai la nostalgie de ce temps de découverte, de retrait hors du monde agité de la ville, de ce temps calme dédié à l'imaginaire et à la réflexion où j'ai voulu faire grandir mes enfants.
À quoi ressemble votre bibliothèque idéale ?
À la mienne, celle qui est chez moi ! J'aime ma bibliothèque personnelle même si avec le temps, c'est un peu une jungle avec des doublons, des piles, du désordre, des livres que je n'ouvre plus jamais, des livres qui comptent et d'autres pas. J'ai dans l'idée de la trier pour être au plus près de la bibliothèque juste, celle qui m'irait comme un gant et qui serait mon autoportrait, mais je crois que c'est illusoire et qu'une bibliothèque est forcément mal ajustée, excessive, brouillonne et c'est aussi très bien comme ça.