Tout le monde a un jour vu les photos noir et blanc de Philippe Halsman, de l’agence Magnum, sans forcément connaître le nom de leur auteur. Ses portraits incarnés d’Alfred Hitchcock, Marilyn Monroe, Jean Cocteau ou Salvador Dali. Le premier roman d’Austin Ratner se penche sur ce qu’il est advenu d’Halsman dans sa jeunesse. L’Américain explique que son livre n’est « pas tant une biographie qu’une forme d’hommage artistique » à Philippe Halsman, qu’il n’a jamais rencontré, « plutôt un portrait ou une sculpture ».
Nous voici ramenés en Autriche. Quand Philipp n’a pas encore francisé son prénom. Ce jeune homme juif originaire de Lettonie chemine sur les sentiers du Tyrol avec son père, Max Morduch. Un père, qui « ne baissait jamais le ton sauf quand il était contraint de faire un aveu », décidé à atteindre « le toit du monde, au confluent de l’air et du feu ».
Un père qui bascule en arrière et que son fils retrouve en sang, avant d’aller chercher de l’aide. Le lecteur, lui, bascule ensuite en 1929. Philipp est enfermé à la prison d’Innsbruck dans une cellule à la peinture écaillé, accusé de parricide. « Personne n’a tué mon père à part la montagne », soutient-il à Pessler, l’avocat chargé de sa défense. La situation est mauvaise. Le médecin légiste affirme que Max a été frappé par une pierre. L’autopsie montre qu’il a été matraqué à mort. Philipp n’a pourtant pas de sang dans les cheveux ou sur les ongles.
Il essaye de se suicider. Se force à jeûner, cherche des réponses à ses questions dans Kant, pense souvent à Ruth Römer - danseuse qui est « de ces beautés inaccessibles ». Après deux procès, il sera acquitté. « Cause célèbre », il repartira à zéro, essayera de se construire en France au début des années 1930… Très original et réussi, As-tu jamais rêvé que tu volais ? inaugure de singulière manière la bibliographie d’Austin Ratner dont le deuxième roman vient de paraître aux Etats-Unis et sera traduit prochainement chez Calmann-Lévy. Al. F.