Essai/Royaume-Uni 26 mars Oliver Sacks

Oliver Sacks est un conteur. Il éprouve de l'empathie pour les cas qu'il évoque. On retrouve cette appétence à se mettre également en scène dans ces articles inédits. Qu'il s'agisse d'évoquer son enfance ou son apprentissage de rat de bibliothèque à Oxford, il le fait toujours avec le même sens du récit. Le regard qu'il porte sur la fréquentation des bibliothèques dans les années 1990, au moment où la bascule numérique est en train de se produire et conduit les bibliothécaires à alléger les rayons des ouvrages essentiels qui sont désormais disponibles au format digital, l'incite à parler de « crime ». Mais il regrette surtout une autre disparition, celle de la promiscuité qui permettait de faire des découvertes, de passer d'un ouvrage à un autre par le seul glissement du désir. Désormais, le savant ou le curieux doivent se contenter de ce qu'ils cherchent.

Avec la même délicatesse il revient sur l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy, l'auteur du fabuleux Voyage autour de mon crâne. Il se souvient aussi d'un photographe atteint du syndrome Gilles de la Tourette, d'un patient qu'il soigne d'un hoquet destructeur par hypnose ou d'un homme atteint de pulsions dévastatrices. Il évoque la maladie d'Alzheimer, toujours avec le même sentiment qu'une solution est quelquefois possible et que rien n'est totalement écrit dans ce domaine. Dans les hôpitaux, dans les asiles, le neurologue suit ses malades autant qu'il est suivi par eux. Il veut les sauver mais ils le sauvent aussi en lui donnant la possibilité de se raconter en les racontant. Point de narcissisme là-dedans. Le médecin se nourrit de ses malades comme il vit les propres désagréments de son corps. Sacks parle de sa vue qui baisse, de son refus d'utiliser une tablette. Il reste fidèle au papier, au toucher, à l'odeur de l'imprimé.

On aurait tort de voir dans ces chroniques ici rassemblées un fond de tiroir. Elles complètent l'œuvre, elles affinent le personnage, elles donnent accès à un médecin engagé. « J'ose néanmoins espérer que la vie humaine et la richesse de nos diverses cultures survivront malgré tout, même sur un globe terrestre ravagé. » Il y a une forme de promesse dans ce désespoir. Pour Sacks le cerveau, y compris dans ses pathologies les plus douloureuses, vaut encore tous les voyages.

Oliver Sacks
Chaque chose à sa place
Christian Bourgois
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 22 euros ; 304 p.
ISBN: 9782267032031

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