Essai

Michaël de Saint Cheron, «Malraux et le Bangladesh» (Gallimard) : Le dernier combat

Mikael de Saint Cheron - Photo © Laurence Godart

Michaël de Saint Cheron, «Malraux et le Bangladesh» (Gallimard) : Le dernier combat

Michaël de Saint Cheron reconstitue minutieusement l'engagement d'André Malraux pour le Bangladesh. Tirage à 2000 exemplaires.

J’achète l’article 1.5 €

Par Jean-Claude Perrier
Créé le 19.11.2021 à 13h18

Tout commence à la fin de 1970, quand la Ligue Awami, le parti de Sheikh Mujibur Rahman - héros de l'indépendance du Bangladesh, assassiné en 1975, et dont la fille Sheikha Hasina est actuellement Premier ministre - remporte les élections de ce qui s'appelait encore le Pakistan oriental. Ce pays, une aberration humaine, géographique et politique, était né en 1947 lors de l'indépendance de l'Inde. Afin d'affaiblir cette dernière, l'ancienne puissance coloniale anglaise avait organisé sa partition. Au nord, les États du Penjab et du Sind furent coupés en deux, afin de créer le Pakistan occidental, le « Pays des Purs », causant des millions de morts et de déplacés. À l'est, le Bengale fut également divisé - une partie revenant à l'Inde et l'autre devenant le Bengale oriental puis le Pakistan oriental -, alors que les Bengalis sont un même peuple, une même culture, parlent la même langue (le bangla) et qu'hindous et musulmans y vivaient ensemble sans problème particulier. Le Pakistan, alors séparé en deux morceaux éloignés de plus de mille kilomètres, était intenable et ses peuples n'avaient rien en commun.

Dès mars 1971, sous le nom de Bangladesh, la province orientale autoproclame son indépendance, provoquant la répression féroce de l'armée pakistanaise : un million de morts, neuf millions de déplacés. Calcutta héberge le gouvernement du Bangladesh en exil, et une mobilisation internationale s'amorce, à l'initiative d'intellectuels indiens et bangladais. C'est ainsi qu'il est fait appel à André Malraux, grand ami de l'Inde de Gandhi, ancien combattant de la guerre d'Espagne, de la Résistance, et ministre de De Gaulle. En dépit de son âge, de son état de santé, le vieux lion se voit reprendre du service. Il se dit prêt à partir combattre, à former de nouvelles Brigades internationales. Le monde entier s'émeut. En France, les esprits forts, qui n'ont jamais pardonné à Malraux son gaullisme, se moquent. À quelques exceptions près, courageuses, comme Bernard-Henri Lévy. « Nous allons nous battre pour une certaine idée de l'homme », explique Malraux.

En fait, l'intervention massive et victorieuse de l'armée indienne, en décembre 1971, met fin au conflit : le Bangladesh naît, avec Sheikh Mujibur Rahman au pouvoir. Mais les Bangladais n'oublieront jamais le soutien de Malraux. En 1973, il effectuera dans le pays un voyage triomphal, reçu partout comme un chef d'État alors qu'il n'occupait plus en France, depuis 1969, aucune fonction officielle.

Cinquante ans après les faits, et presque autant après la mort de Malraux (en 1976), Michaël de Saint Cheron, en greffier scrupuleux, a reconstitué cette aventure inouïe, grâce à des documents et des archives de première main, souvent inédits, qu'il bricole un peu parfois. L'entreprise est passionnante. On aurait aimé plus de contextualisation, et un chapitre sur les réactions d'autres intellectuels ou artistes dans le monde : George Harrison, par exemple, qui organisa en 1971, à New York, un concert mythique pour le Bangladesh, à l'initiative de Ravi Shankar.

Michaël de Saint Cheron
Malraux et le Bangladesh
Gallimard
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 18 € ; 192 p.
ISBN: 9782072956393

Les dernières
actualités