Avant-critique Essai

Maxime Rovere, "Parler avec sa mère" (Flammarion)

Maxime Rovere - Photo © Pascal Ito/Flammarion

Maxime Rovere, "Parler avec sa mère" (Flammarion)

Maxime Rovere interroge la relation mère-enfant et analyse les sentiments ambivalents qui la sous-tendent, afin de sortir de l'impasse psychoaffective.

Parution 22 janvier

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Par Sean Rose
Créé le 23.01.2025 à 14h00

Tout sur nos mères. Selon Aristote, l'amour que la mère porte à son enfant relève de la philia, communément traduit en français par « amitié », c'est-à-dire une relation vertueuse, équilibrée, mutuelle. Rien à voir avec l'amour sous l'emprise d'Éros, le désir, qui nous fait tourner la tête au point de nous expulser du domaine de la raison. Cette amitié « consiste à aimer plutôt qu'à être aimé ; et ce qui le prouve, c'est la satisfaction que les mères trouvent à chérir leurs enfants ». Et le Stagirite d'ajouter : « Il leur suffit apparemment de voir leurs enfants heureux et contents, et elles les aiment même dans cet état où l'ignorance les empêche de rendre à une mère les devoirs et les sentiments qui lui sont dus. »

Romain Gary dans La promesse de l'aube, la marquise de Sévigné à travers ses lettres à sa fille... La littérature, comme la vie dont elle témoigne, nous montre au contraire à quel point la relation mère-enfant tient davantage du passionnel. Amour maternel, amour filial, amour vache parfois... C'est cette relation que chacun entretient avec la figure maternelle que Maxime Rovere interroge dans son nouvel essai, Parler avec sa mère. Ainsi le philosophe analyse-t-il l'ambivalence de cette affection à la fois réciproque et bancale : d'un côté, immense, océanique, submergeante, voire dévoratrice ; de l'autre, fût-elle grande, pétrie de sentiments contradictoires, tissée de liens de dépendance et de besoins d'autonomie.

À la différence du père, il y a bien une spécificité du parent qu'est la mère : à un moment donné, on a été indistinct de sa génitrice. Si l'auteur énumère les principales fonctions de la maternité liées au soin et à l'éducation, il n'entend pas réduire la personne qui a porté l'enfant à une identité figée. À l'instar de Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-même (Flammarion, 2019) ou encore de Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute (même éditeur, 2022), Rovere ne signe pas un guide de self-help, il ébauche des pistes par des voies aussi bien conceptuelles que vécues (l'amour de la sagesse n'est rien sans son incarnation). Comment se délester du poids de la dette envers sa mère ? Il faudra pourtant s'en acquitter et lâcher sa mère si on veut grandir et être pleinement au monde. Quitter sa mère, c'est pouvoir aimer l'autre et faire œuvre de « reconnexion » au vivant. Parler avec sa mère, c'est dialoguer, faire circuler de la parole (logos, « la raison », « le verbe ») « entre » (le suffixe dia- en grec) des sujets intelligents, non moins aimants. La vraie intelligence étant l'amour. Car c'est peut-être ça aimer, ouvrir cet espace-là pour l'accueil au-delà de sa « petite maman ».

Maxime Rovere
Parler avec sa mère
Flammarion
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 19 € ; 288 p.
ISBN: 9782080427977

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