Courage. C'est le mot qui résume le mieux Ice, qui mêle aventures scientifique et humaine. Le courage physique d'abord. Il se manifeste chez ces explorateurs nordiques qui furent des précurseurs et auxquels Marco Tedesco, avec le journaliste Alberto Flores d'Arcais, rend hommage. Mais il y a aussi celui de Tedesco lui-même, ce glaciologue d'origine italienne, qui a travaillé au Goddard Space Flight Center de la Nasa et qui est aujourd'hui professeur à l'observatoire Lamont-Doherty de l'université Columbia. Car il en faut du courage physique, à lui comme à ses équipes, pour se rendre dans ce Groenland hostile, dans des conditions extrêmes, avec une météo qui passe en quelques minutes du calme à la tempête. Marco Tedesco décrit fort bien la solidarité qui unit ces savants dans ce monde glacé où la moindre erreur individuelle peut être dangereuse pour tout le groupe.

Ensuite, le courage intellectuel. C'est la rigueur de ces hommes et de ces femmes qui observent ces abysses glaciaires, ces trous insondables dans lesquels vivent les tardigrades, créatures microscopiques paraissant éternelles, qui découvrent qu'il existait un chameau polaire ou qui s'inquiètent du passage du Nord-Ouest, cette « route polaire de la soie » qui, temporairement praticable grâce à la fonte des glaces, génère trafic commercial et tourisme. « Paradoxalement, on pourrait dire que nous avons plus confiance dans le doute que dans la vérité. »

Courage de dire enfin. D'expliquer d'abord, clairement, ce qui se passe, d'alerter sans alarmisme, en faisant prendre conscience de ce réchauffement climatique aux conséquences encore imprévisibles. « Ici, les températures augmentent à un rythme deux fois plus élevé que la moyenne de toute la planète, transformant ce qui était le réfrigérateur de la Terre en une immense éponge imbibée qui ne réussit plus à retenir l'eau et la relâche dans l'océan. » L'image est parlante et l'on comprend pourquoi le niveau des mers ne cesse d'augmenter. Marc Tedesco ne cesse de le dire : « La neige est notre trésor. C'est là que se nichent l'histoire et l'avenir du Groenland. »

On pourrait ajouter une dernière forme de courage dans ce beau livre de voyage, d'amitiés et de savoir, celle de la passion. Elle se révèle dans la lettre qu'il envoie à ses filles pour expliquer son absence, son émotion pour les terres glacées, son désir d'isolement et son amour pour elles sans lequel il n'aurait rien entrepris. Marco Tedesco a appris à se mouvoir dans le temps « géologique ». Il traduit fort bien le « dynamisme statique » de la glace qui lui rappelle son tempérament. Il raconte le rituel du café et des soupes, les hallucinations, le froid qui joue avec les sens. « Ne crois pas ce que te dit ton cerveau » martèle-t-il dans cette nuit polaire, « la vraie, sombre à en faire mal aux yeux. » Sauver la planète, c'est d'abord préserver l'idée que l'on en a. C'est bien ce qu'exprime Ice, qui décrit une glace qui fond, une Terre qui se réchauffe et des humains qui restent de glace en fondant eux aussi...