Le grand Henri Michaux n’a pas été un auteur facile à promouvoir. Le volume intitulé Donc c’est non, composé de « lettres réunies et annotées par Jean-Luc Outers » et publié en mars 2016 par Gallimard, en témoigne.
Le poète et peintre y assène : « Je cherche une secrétaire qui sache pour moi de quarante à cinquante façons écrire non. » Et comme le résume d’emblée Jean-Luc Outers (qui pense lui-même que sa démarche aurait été clairement refusée de son vivant par Michaux) : « Il n’y est question que de refus : les demandes d’interviews, les adaptations scéniques de ses textes, les anthologies, les colloques ou les numéros de revues qui lui sont consacrés, les rééditions, y compris en livre de poche ou dans la bibliothèque de la Pléiade, les conférences et commémorations, les prix littéraires, les publications de photos... C’est à tout cela, qui n’est plus la littérature mais son institution sinon son décorum ou le carnaval médiatique qui l’agite, que Henri Michaux n’a cessé de s'opposer sa vie durant. Alors qu’on le poursuit sans répit, il cherche l’ombre, il se cache. Il part en croisade contre la “vedettomanie”, multipliant les lettres dont la production s’intensifie à mesure que s’accroît la notoriété. »
Gallimard semble s’être accommodé de ces refus multiples de l’autre génie namurois (après l’immense Félicien Rops). En droit, la jurisprudence a mis en relief certaines obligations de bonne foi, non comprises dans le Code de la propriété intellectuelle, mais auxquelles le droit commun des contrats soumet l’auteur : et celui-ci doit notamment, même en l’absence de clause au contrat, participer à la promotion de son ouvrage et soutenir son éditeur contre des attaques éventuelles…
Il s’est trouvé des auteurs pour avoir toutefois considéré que l’utilisation de leur œuvre pour promouvoir celle-ci sans rémunération complémentaire serait… contrefaisante. C’est pourquoi il est recommandé de stipuler, dans tout contrat d’édition en bonne et due forme : « II est également entendu entre les parties que la promotion et la publicité de l’œuvre pourront se faire sur tous supports et procédés connus ou à venir tels que ceux mentionnés aux présent contrat. »
De même est-il utile de préciser que « la rémunération ne porte que sur les exemplaires vendus. Elle ne peut porter sur les exemplaires distribués gratuitement dans l’intérêt de la promotion de l’ouvrage : service de presse, envois à des personnalités »…
Mais, en pratique, c’est plus souvent l’auteur qui se plaint de l’absence de promotion de son oeuvre – et de sa personne.
Il n’existe pas d’obligation de résultat en la matière. Toutefois, une célèbre affaire ayant opposé Montherlant à Grasset, et tranchée par la cour d’appel de Paris le 8 juillet 1953, avait permis de cerner ce qu’attendent les tribunaux des éditeurs : en l’occurrence, ils s’étaient penchés sur les tirages de départ, les réimpressions, l’état des stocks et des ventes, les avaient comparés avec ceux pratiqués par d’autres éditeurs, et avaient étendu ces comparaisons à la publicité et à la promotion auprès des libraires et de la presse.
Selon la jurisprudence plus récente – et en particulier de la cour d’appel de Paris, prenant la forme de deux arrêts en date des 15 juin 1983 et 14 mai 1997 –, si aucune forme de publicité n’est prévue dans le contrat, l’éditeur doit procéder à une publicité conforme au type de l’ouvrage, c’est-à-dire, au minimum, à l’envoi de services de presse et à l’insertion du titre dans son catalogue. Mais il a aussi été jugé par la cour d’appel de Paris, le 17 novembre 1986, que l’éditeur peut cependant arrêter une campagne de publicité inutile et trop coûteuse.
Quel métier difficile que celui qui consiste à courir après la presse que l’auteur réclame encore ou bien fuit tout net.