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L’exactitude dans la reddition des comptes

L’exactitude dans la reddition des comptes

L’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.

La Cour de cassation a fustigé, le 24 mai 2017, un éditeur qui n’avait pas rendu de comptes exacts.

Un litige était né entre un auteur et son éditeur. Celui-ci avait délivré un document de « 54 pages relatant les ventes réalisées entre 2008 et 2013.»

Or, selon les juges de la Cour de cassation, ledit document était insuffisant pour s’assurer du parfait respect de l’obligation d’information et de reddition des comptes, « notamment au regard du nombre d’exemplaires fabriqués et de celui des exemplaires en stock ou vendus ».

Il faut rappeler que la reddition des comptes constitue une obligation importante de l’éditeur. L’article L. 132-13 du CPI dispose à cet effet : « L’éditeur est tenu de rendre compte. » Il précise que « l’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock. » ; mais aussi que « sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur. »

Et l’article L. 132-14 d’ajouter :
« L’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.
Faute par l’éditeur de fournir les justifications nécessaires, il y sera contraint par le juge.
»

Il est courant d’aménager ces obligations dans le contrat d’édition, comme la loi l’autorise expressément (« sauf convention contraire », dit-elle). Mais, en l’absence de jurisprudence, il est prudent d’éviter les clauses, à la légalité douteuse, selon lesquelles la reddition de comptes ne se ferait qu’à partir d’un certain seuil de ventes. L’obligation de rendre les comptes s’applique en effet à tous les contrats d’édition, que la rémunération prévue soit forfaitaire ou proportionnelle, car elle constituerait une prérogative morale. Elle semble s’imposer également même si l’auteur ne la demande pas expressément.

Par ailleurs, la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a instauré un article L. 132-17-3 au sein du Code de la propriété intellectuelle,

Ce nouvel article dispose que : « L'éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l'auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente. 
A cette fin, l'éditeur adresse à l'auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant : 

 
1° Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et en fin d'exercice, le nombre des exemplaires vendus par l'éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l'exercice ; 

2° Lorsque le livre est édité sous une forme numérique, les revenus issus de la vente à l'unité et de chacun des autres modes d'exploitation du livre ; 

3° Dans tous les cas, la liste des cessions de droits réalisées au cours de l'exercice, le montant des redevances correspondantes dues ou versées à l'auteur ainsi que les assiettes et les taux des différentes rémunérations prévues au contrat d'édition. 
Une partie spécifique de cet état des comptes est consacrée à l'exploitation du livre sous une forme numérique. 

 
La reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l'absence de date, au plus tard six mois après l'arrêté des comptes. 
 
II. -Si l'éditeur n'a pas satisfait à son obligation de reddition des comptes selon les modalités et dans les délais prévus au I, l'auteur dispose d'un délai de six mois pour mettre en demeure l'éditeur d'y procéder.
Lorsque cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit. 

III. -Lorsque l'éditeur n'a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l'auteur, le contrat est résilié de plein droit trois mois après la seconde mise en demeure. 

IV. -L'éditeur reste tenu, même en l'absence de mise en demeure par l'auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition des comptes. 
»

Le défaut de reddition des comptes peut donc entraîner automatiquement la résiliation du contrat si l’auteur met en demeure son éditeur.

 Et il va de soi qu’une reddition des comptes frauduleuse aura de graves conséquences, non seulement civiles – telles que, là encore, la résiliation du contrat aux torts de l’éditeur – mais également pénales.

Il a même déjà été jugé que, si les comptes ne sont pas suffisamment détaillés, c’est l’éditeur qui doit régler à terme les honoraires de l’expert chargé de les vérifier. La reddition des comptes doit, par exemple, viser les sous-éditions en faveur d’éditeurs étrangers. Les comptes s’étendent en effet aux exploitations à l’étranger, l’éditeur français étant tenu d’informer pleinement l’auteur.

L’ère de la transparence a donc presque fini par gagner l’édition. C’est dire si la tendance est de fond!
 

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