12 JANVIER - PREMIER ROMAN France

En 1894 meurt Narcisse Pelletier, gardien de phare, près de Saint-Nazaire. Un homme tranquille, sans enfants, sans histoire... ou presque. Celui qui naquit un demi-siècle plus tôt avait embarqué comme mousse à bord du Saint-Paul avant de se faire abandonner par ses compagnons sur la côte Nord-Est de l'Australie. Il y fut recueilli par une tribu aborigène et resta sans aucun contact extérieur pendant dix-sept ans ! François Garde, dont c'est le premier roman, reprend à son compte cette histoire vraie du "sauvage blanc" qui défraya la chronique en son temps. Narcisse fait un tour sur le rivage, et lorsqu'il revient sur ses pas, nulle trace du navire. Ce qu'il advint du sauvage blanc commence par cet abandon initial de l'homme occidental dans la nature. Les paysages australiens épousent la solitude du jeune Vendéen. Mais ce que ces pages racontent n'est pas tant cette cruelle mésaventure que la vision (l'observation scientifique) de celle-ci par le vicomte Octave de Vallombrun, membre de la Société de géographie de Paris, de passage en Australie, auquel fut confiée la mission de ramener l'égaré au bercail. Le courrier du voyageur adressé au président de la Société s'enchâsse dans le récit de vie de Narcisse, rebaptisé Amglo par les Aborigènes et désormais tatoué comme eux. Du désarroi à l'acculturation, toutes les étapes sont retracées de ce long désapprentissage d'une civilisation occidentale sûre de ses valeurs et en passe de coloniser le monde, et de l'acquisition de cette culture immémoriale proche de la terre.

Mais Ce qu'il advint du sauvage blanc est bien une oeuvre de fiction, car bien que sans doute inspiré des Mémoires du matelot vendéen et écrit dans une prose élégante aux accents de véracité historique, l'auteur n'hésite pas à user de sa licence poétique. François Garde fait fi de la concordance des dates. Pour satisfaire aux problématiques du livre, il provoque, par exemple, une audience de Narcisse Pelletier revenu à la "civilisation" auprès de l'impératrice Eugénie, curieuse du rescapé du "désert" océanien. Plus qu'un roman, c'est une réflexion sur l'altérité, et a contrario sur le regard empêché par le complexe de supériorité culturelle : Ce qu'il advint du sauvage blanc, c'est un peu les Lettres persanes à l'heure du darwinisme.

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