7 janvier > Roman France

Lorsque les médias balancent un scoop politico-sexuel, ils ne s’interrogent pas sur les séquelles des principaux concernés ou de leurs proches. Que se passe-t-il quand on éteint la télé ? La force du nouveau roman d’Olivier Adam est de se pencher sur ce qui se produit quand le ver est dans le fruit et qu’il pourrit toute une famille. "Du jour au lendemain, tout changea. Quelque chose avait basculé. Même si cette chose n’avait rien à voir avec la vérité."

Très attendu, l’auteur français revient avec un héros solitaire frôlant les lisières de sa vie. Antoine a du mal à s’ancrer, y compris dans le privé. A l’instar de la mer, qu’il affectionne tant, il semble insaisissable. Solitaire, le héros travaille auprès d’un libraire, qu’il considère comme une figure paternelle. Son existence suit son cours jusqu’au jour où le journal télévisé lui apprend la mort de l’homme politique Jean-François Laborde. Il s’agit d’un élu de droite, "ancien ministre délégué" et maire attitré de M. Mais aux yeux d’Antoine, il incarne autre chose. Soudain tout ce qu’il a enfoui en lui déborde. Sa blessure initiale ? Une adolescence sous le signe d’un scandale familial.

Retour en arrière, à M, cette ville paisible dont Laborde tient les rênes. L’adjointe au maire n’est autre que la mère du narrateur. Leur quotidien pépère vole en éclats lorsque ce duo adultère est accusé de viol, lors d’une soirée qui a mal tourné. Deux victimes maintiennent, bec et ongles, leur version des faits, mais il n’est pas aisé de s’attaquer à un symbole politique. Eclaboussés par ces révélations, Antoine et les siens vacillent sous le coup de la honte, les insultes et les moqueries. La culpabilité maternelle ne fait aucun doute pour lui, d’autant qu’il se lie à la fille du maire, aussi séduisante qu’amère. Sa famille se fracasse en vase clos, dans le bruit assourdissant des non-dits. Quel est le prix de l’instinct de survie ?

Olivier Adam s’immisce au fond des plaies, en scrutant la puissance et la nuisance de la rumeur. Chacun a son avis, mais nul ne se soucie des mots blessants. Sous le vernis social, les êtres se montrent heureux de voir les autres chuter, un peu comme au temps des gladiateurs. L’auteur étoffe son univers dans ce roman resserré, qui dissèque le huis clos étouffant d’une famille brisée. Assumant son engagement, il dénonce habilement l’impunité d’un système politico-médiatique. On ne peut s’empêcher de songer aux affaires DSK et Georges Tron, et à leur impact sur les enfants, qui en sont forcément les victimes collatérales. A-t-on le droit de juger ses parents, qu’on ne connaît pas vraiment ? Après tout, "combien de personnes successives, contradictoires, opposées, inconciliables abritons-nous en nous-mêmes ?"… Kerenn Elkaïm

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