Chiffres d'affaires en explosion, libraires en surchauffe. Depuis un an, la profession est à l'unisson. La crise a amené en librairie de nouveaux clients, poussés à la fois par l'arrêt des activités culturelles, le besoin de lecture et l'envie de consommer autrement. Un mouvement encore renforcé depuis le mois de juin par l'arrivée en magasin de vagues de jeunes qui cherchent à dépenser dans les rayonnages une partie des 300 euros dont ils disposent depuis l'extension du pass-culture à tout le territoire.
Heureux de voir arriver ces nouveaux visages - eux qui déploraient depuis de longues années le vieillissement et l'érosion de leur clientèle -, les libraires ont immédiatement mobilisé l'ensemble de leurs savoir-faire pour capitaliser sur cet élan et fidéliser les nouveaux venus. Accueil, lectures et conseils, adaptation de l'offre, solutions digitales, « on a fait comme on a pu pour les accueillir au mieux et faire en sorte qu'ils reviennent nous voir », explique Morgane Merle-Bargoin, d'Il était une fois, à Billom.
Une vaste étude en ligne
Empiriques et efficaces pour le moment - les chiffres d'affaires et les fréquentations restent globalement à des niveaux stratosphériques -, ces réponses nécessitent toutefois d'être affinées. « Les libraires ont beaucoup d'impressions et de questions en tête sur ces nouveaux clients, leurs lectures et leurs pratiques. Mais tout cela a besoin d'être objectivé pour apporter des éléments de réflexion pertinents », plaide David Piovesan. L'ancien propriétaire d'Au temps retrouvé, à Villard-de-Lans, redevenu chercheur en économie et sociologie du livre à l'université de Lyon 3 en 2020, s'est donc lancé dans une vaste étude à l'invitation de l'association Chez mon libraire. Menée en ligne du 1er juin au 15 juillet, elle vise à connaître les clients des librairies de la Région à déterminer si la crise sanitaire a bousculé leurs habitudes de consommation.
Premier élément dégagé par l'enquête, la confirmation de l'attraction des librairies. Sur les 4 017 répondants, 20 % ont déclaré les avoir plus fréquentées, 28 % plus lu et 25 % plus acheté en librairie. Mais, nuance de taille, il s'agit moins de nouveaux clients que « des gens qui achetaient déjà en librairie et qui ont décidé d'acheter plus et plus souvent. La crise a donc surtout renforcé le sentiment d'adhésion et les dispositions d'achat de ces clients dits moyens lecteurs vis-à-vis de la librairie indépendante. C'est une vraie transformation », analyse David Piovesan.
Davantage de click and collect
La tendance s'inscrit sur du long terme puisque « à l'avenir », 40 % des répondants affirment qu'ils vont « privilégier la librairie de proximité ». « Ces lecteurs et clients jusqu'alors occasionnels ont sans doute découvert et été séduits par les capacités des librairies à s'adapter, à commander, à obtenir des délais rapides et à utiliser les outils technologiques », estime David Piovesan. Le chercheur pointe également l'intention, pour 25 % des répondants, d'utiliser davantage le click and collect, ce qui aura « des impacts sur l'organisation du travail dans les structures ».
Encore en cours de dépouillement, l'étude sera rendue publique fin septembre lors d'un forum organisé par Chez Mon libraire. La totalité des résultats, « qui restent à 99 % régionaux », tempère David Piovesan, devrait néanmoins donner du grain à moudre à l'ensemble de la profession.