Parfois, les livres qui se vendent le mieux sont ceux qui consolent le plus. Bergères devenues princesses, David terrassant Goliath, le lecteur se voit vengé ou au moins justifié des avanies de sa vie quotidienne. Il y avait de cela, même sur un registre acide, dans le succès mondial qui suivit la publication du désopilant Dors et fais pas chier (Grasset, 2011), conte cruel par lequel l’auteur et journaliste Adam Mansbach se faisait le porte-parole de tous ces parents qui découvrent horrifiés qu’à l’heure du coucher au moins la prunelle de leurs yeux peut se transformer en pervers polymorphe résolu à leur perte. Comme ces choses-là étaient dites avec élégance et un humour décalé qui devait autant à Woody Allen qu’au plus désinvolte des pédopsychiatres, chacun put à son tour s’y reconnaître.
Ce sera aussi le cas, n’en doutons pas, de ce Mange et fais pas chier, suite tout aussi excédée et drolatique de Dors… où Mansbach s’est adjoint les services du merveilleux illustrateur Owen Brozman. Le livre se présente sous les atours chatoyants et cucul-la-praline du plus traditionnel des contes pour enfants. Seulement, il s’agit cette fois-ci non plus de les endormir mais, tout aussi risqué et aléatoire comme le sait chaque parent, de les faire manger. Il sera fait pour cela appel aux troupes régulières du merveilleux, bestiaire enchanté où se croisent sur la route du repas girafes, paresseux, pandas, ornithorynques et un père au bord de la crise de nerfs. Malgré tout, une immense tendresse navrée pour ces petits monstres domine ces quelques pages. Qui donnent maintenant envie de mieux connaître l’œuvre d’Adam Mansbach, ses romans, et notamment le plus réputé d’entre eux, The end of the Jews. Avis aux intéressés.
O. M.