Robert Colonna d’Istria n’est ni généalogiste, ni ethnologue ni anthropologue, ni historien. Mais journaliste, écrivain et, partant, un peu tout cela à la fois. Surtout, il est corse, l’un des - nombreux, près de 400 vivants recensés en annexe à la fin de son livre - membres de la famille Colonna d’Istria. Des féodaux, qui s’appelaient à l’origine simplement Colonna, à quoi ils ont ajouté le nom d’un de leurs modestes "châteaux", Istria, en ruine depuis des siècles, dont le nom pourrait provenir soit de la province d’Istrie (Croatie actuelle), soit de la ville gréco-romaine d’Histria (Roumanie). Le fondateur de la casata, le sgio ("seigneur") Ugo, aurait été l’un des compagnons de Charlemagne, qu’il aurait aidé à bouter les Sarrasins hors de Corse. L’empereur la lui aurait donnée en fief, et il en serait devenu le premier comte. Légendaire, mais couché par écrit dès 816. L’un de ses descendants, Sinoncello, le vrai fondateur de la lignée, a, lui, vraiment gouverné presque toute l’île au XIVe siècle.
A travers la propre histoire des siens, qu’il raconte de façon à la fois précise, érudite et enlevée, parfois lyrique mais avec un solide sens de l’autodérision - par exemple, à propos de la fausse parenté avec les illustres, riches et puissants Colonna de Rome -, Robert Colonna d’Istria a voulu composer "une chronique du monde vue par une famille corse". Pari réussi et belle façon de renouer avec certains classiques de la collection "Terre humaine", comme Le cheval d’orgueil. J.-C. P.