L’ironie du sort est parfois cruelle. Alors que Gallmeister programme enfin pour la prochaine rentrée la publication d’une traduction digne de ce nom du chef-d’œuvre de Katherine Dunn, Amour monstre (ayant toutefois fait l’objet d’une traduction française en 1990 chez First, rééditée chez Pocket en 1994), permettant aux lecteurs français de prendre la pleine mesure de son talent baroque et poétique, la mort de l’auteure, par ailleurs journaliste célèbre pour Esquire ou le New York Times, ayant par exemple largement contribué en son temps à la découverte d’un Bret Easton Ellis, était annoncée dans la presse américaine le 11 mai.
Amour monstre, paru initialement en 1989, bénéficie depuis lors aux Etats-Unis d’un statut de roman culte entretenu par les louanges que lui dressèrent des lecteurs aussi divers que Tim Burton, Kurt Cobain ou Terry Gilliam. Avec cette histoire d’une famille littéralement dysfonctionnelle, puisque composée exclusivement de monstres de foire jaugeant leur normalité à la seule aune de leur monstruosité, Dunn livre en une fable plus morale qu’il n’y paraît le "cross over" entre le Freaks de Tod Browning et les livres de Tom Robbins.
Soit donc, les Binewski. Papa et maman, Al et Lil, président aux destinées d’un cirque itinérant qui peu à peu permet à leurs seuls enfants de se produire sur scène. Il y a Arturo dit Aquaboy, le garçon doté de nageoires, Oly, à la fois naine, bossue et albinos, les sœurs siamoises et musiciennes Iphy et Elly, et enfin et surtout, Chick, qui paraît normal, mais ne va pas tarder à se révéler le plus étonnant de tous. Katherine Dunn tient sa "petite boutique des horreurs" avec une allégresse noire et réjouissante.
O. M.