Pour les aveugles et malvoyants, qui sont plus d'un million en France, la loi de 2006 relative au droit d'auteur dans la société de l'information a institué une exception : la possibilité pour les associations concernées de disposer des oeuvres contemporaines sous forme de fichiers numériques et de les reproduire pour leurs usagers sans être obligées de demander l'autorisation aux éditeurs. "Une vraie révolution, s'enthousiasme Luc Maumet, responsable de la médiathèque Valentin-Haüy à Paris, car auparavant les personnes déficientes visuelles n'avaient accès qu'à une part infime de ce que peuvent lire les personnes valides. A chaque rentrée littéraire, c'était une grande frustration pour eux de réaliser qu'ils n'auraient pas accès aux livres dont ils entendaient tant parler."
Cette situation est en train de changer radicalement. Depuis mai 2010, plus de 7 000 demandes de documents ont été satisfaites par la BNF, désignée comme organisme dépositaire des fichiers des éditeurs (1). A cette allure, les aveugles vont avoir plus de choix en matière de ebooks - qu'ils peuvent "lire" grâce à des "écrans" tactiles en braille éphémère - que les emprunteurs de bibliothèques dites "normales" ! "Nous passons de la Bookfamine, comme disent les Anglais, à l'abondance, constate Luc Maumet, et nous ne cessons d'innover dans le domaine technologique."
L'expertise technologique des associations d'aveugles est en effet à la pointe et profite à tout le monde. Cela dit, les "écrans" en braille éphémère, qui permettent à un aveugle de lire un ebook, restent marginaux car onéreux et nécessitant une maîtrise technologique que possèdent encore peu d'usagers. Le livre audio reste la pratique la plus courante.
A la médiathèque Valentin-Haüy, qui a 3 500 emprunteurs actifs et plus de 100 000 prêts par an, 90 % des transactions se font sous forme audio, soit sur support CD (les trois quarts), soit par téléchargement. Mais dans ce domaine-là aussi des progrès faramineux ont été faits, grâce à la voix de synthèse et à l'existence de robots enregistreurs. Avant, il fallait envoyer les CD par la poste, les récupérer, les classer, etc. Aujourd'hui, l'usager commande un titre par mail, le bibliothécaire transmet la commande à un robot, qui fonctionne jour et nuit, et le lendemain le CD gravé est envoyé gratuitement par la poste à l'emprunteuse, qui peut conserver l'enregistrement.
Autre initiative de la médiathèque : un partenariat avec les bibliothèques qui possèdent un espace pour malvoyants afin de leur faire partager ses compétences et mettre à leur disposition ses collections de livres en "audio Daisy". C'est déjà le cas avec trois établissements : les Champs libres de Rennes, la médiathèque José-Cabanis de Toulouse et le réseau de la Cavam (communauté d'agglomération de Montmorency).
(1) Voir LH 819 du 30.4.2010, p. 22, et LH 766 du 27.2.2009, p. 62.