Mais les intervenants, membres du Conseil permanent des écrivains (CPE) qui organisait la rencontre, arboraient un macaron proclamant "10% minimum" pour les droits d’auteur, message tout aussi explicite quant à l’objectif de cette journée, qui veut continuer de porter sur la place publique la question de la rémunération.
Corinna Gepner, présidente de l’Association des traducteurs littéraires de France, une des 18 composantes du CPE, a souligné qu’au taux moyen actuel de droits, il fallait qu’un livre au prix de 20 euros se vende au moins à 10000 exemplaires pour que son auteur espère atteindre le SMIC (1150 euros).
Auparavant, Bessora Nan Nguema, vice-présidente du Syndicat national des auteurs et compositeurs (Snac), avait rappelé que le revenu médian des auteurs est à 9600 euros, et que le taux moyen est à 8% en littérature, le plus élevé avec la BD, mais descend jusqu’à 5% en jeunesse. "Dans la chaîne du livre, l’auteur qui est pourtant à la base de toute cette économie, est l’acteur le moins rémunéré, dans la même situation qu’un producteur agricole du tiers-monde qui fait vivre toute une filière" a-t-elle comparé.
La question de la surproduction
La première partie de la journée sera consacrée au bilan de la concertation avec les pouvoirs publics, ouverte à la suite de la première cession des Etats généraux, le 22 mai 2018, et concernant les questions fiscales et sociales, a poursuivi Patrice Locmant, directeur de la Société des gens de Lettres (SGDL): compensation de la hausse de la CSG, prélèvement de l’impôt à la source, fin de la distinction entre affiliés et assujettis, recouvrement des cotisations sociales par l’URSSAF, redéfinition de la circulaire concernant les revenus annexes, hausse des cotisations de la retraite complémentaire. Cette fois, tous les représentants des ministères et organisations concernées devraient être présents.
La seconde partie de la journée sera consacrée aux revenus des auteurs, et au partage de cette valeur créée dans la chaîne du livre: niveaux de droits, transparence dans les redditions de compte, questionnement de l’annualisation des versements qui pose problème avec le prélèvement à la source, surproduction, etc. "Il ne s’agira pas d’une agression des uns vis-à-vis des autres, chacun fera entendre ses positions" a insisté Emmanuel de Rengervé, délégué général du Snac.
Parmi les questions soulevées, celle de la surproduction est la plus délicate ont reconnu les représentants des auteurs. "C’est une problématique douloureuse pour tout le monde, nous sommes bien conscients de l’ambiguïté du questionnement: plus il y a de titres, moins un éditeur dispose de temps pour les présenter et les promouvoir, mais s’il y a moins de livres, il y a aussi moins d’auteurs" a résumé Emmanuel de Rengervé.
Vincent Montagne, président du Syndicat National de l'Edition (SNE), sera présent, comme il l’était à la première cession de ces Etats généraux. Des représentants des libraires et des diffuseurs-distributeurs sont également attendus. "Le but sera bien de trouver un accord a minima, interprofessionnel, et qui s’imposera à tous, si c’est juste une recommandation, ça ne fonctionnera pas" a insisté depuis la salle Marie Sellier, présidente de la SGDL.
Le 15 mars, sur la même scène du CNL, un débat aussi organisé par le CPE sur l’auteur professionnel, son statut et son avenir incertain avait déjà évoqué cette question de la rémunération, liée à la représentation de la figure de l’écrivain, incertaine entre la nature d’un métier qui doit rémunérer celui qui l’exerce, et la vocation qui supposerait d’endurer tous les risques au nom de la création d’une œuvre.
C’est bien cette illusion que nombre d’auteurs refusent aujourd’hui, tout en revendiquant d’exercer pleinement leur métier. La mission de réflexion annoncée vendredi soir par le ministre de la Culture et confiée à Bruno Racine devrait permettre de clarifier leur situation et leur part dans cette chaîne de valeur, espèrent-ils.