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Les adieux de Nadine Gordimer, Prix Nobel de littérature

Nadine Gordimer

Les adieux de Nadine Gordimer, Prix Nobel de littérature

L'écrivaine sud-africaine s'était engagée intensément contre le régime de l'Apartheid. Elle est morte dimanche à l'âge de 90 ans.

Par Vincy Thomas,
avec afp Créé le 15.07.2014 à 14h49

La sud-africaine Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature 1991, qui fut très impliquée dans la lutte contre l’apartheid, est morte dimanche 13 juillet à l’âge de 90 ans, a indiqué le cabinet d’avocats Edward Nathan Sonnerbergs.

Le cabinet a publié lundi un communiqué de la famille précisant que Nadine Gordimer était morte paisiblement durant son sommeil, dans sa maison de Johannesburg.  

«Ses plus grandes fiertés», rappellent ses enfants dans leur communiqué, «n’était pas seulement d’avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1991, mais aussi d’avoir témoigné (à un procès) en 1986, contribuant à sauver la vie de 22 membres de l’ANC, tous accusés de trahison». Membre du Congrès national africain (ANC) depuis 1990, elle fut longtemps l’une des dirigeantes du Congrès des écrivains sud-africains (COSAW).

Cette femme issue de la communauté anglophone blanche, chaleureuse, bienveillante et débordant d’amour pour sa terre, incarnait la conscience littéraire de la littérature sud-africaine, même si plusieurs de ses oeuvres furent longtemps interdites par le régime d’apartheid.

Grasset publie un recueil de nouvelles en novembre

Son oeuvre est composée de quinze romans, environ 200 nouvelles et de nombreux essais et critiques. Elle y dénonçait l’apartheid et racontait l’inégalité sociale et les difficultés affectives des hommes et des femmes qui vivent dans l’Afrique du Sud contemporaine. Publiée en une trentaine de langues, cette francophile et francophone avait l’habitude surveiller ses traductions de près. La langue précise, le style sobre, la dame de fer de l’écriture était une personnalité complexe, entre indulgence et intransigeance. Elle reconnaissait que les contradictions font partie de la nature humaine.

Ecrivain de langue anglaise, elle se fait connaître en publiant dans des magazines américains des nouvelles réunies en recueil en 1949, The Soft Voice of the Serpent. A 30 ans, on la qualifie déjà de «Katherine Mansfield» sud-africaine et elle ne cessera pas ensuite d’écrire des nouvelles, genre dans lequel elle excelle.

Son premier roman The Lying Days paraît en 1953. Son éditeur en France, Grasset a publié en octobre 2013 son ultime roman Vivre à présent, roman qui se déroule au moment où l’Afrique du sud bascule dans la démocratie. L’éditeur publiera le 5 novembre Les saisons de la vie : nouvelles, 1952-2007, une anthologie de 38 courts récits sur son pays.

"Africaine blanche"

Née le 20 novembre 1923, de père juif lituanien et d’une mère chrétienne anglaise, chrétienne elle-même, Nadine Gordimer vit une enfance conformiste dans le milieu petit-bourgeois de Springs, cité minière de la banlieue de Johannesburg. Son cœur battait un peu trop rapidement. Elle a alors abandonné le sport et la danse, se consacrant à l’écriture à l’âge de 15 ans. C’est pour le besoin d’enraciner ses personnages dans leur contexte qu’elle s’intéresse à l’ordre social sud-africain et découvre la ségrégation raciale sous la «South-African way of life».

Son engagement dans la cause de la liberté des Noirs lui vaudra d’être censurée par le régime de Prétoria, qui cédera seulement face aux protestations anglo-américaines. En 1974, Nadine Gordimer reçoit le Booker Prize pour The Conservationist qui lui confère une renommée internationale.
Essayiste, elle traite dans The Essential Gesture de son inévitable engagement contre la politique d’apartheid, au nom de sa liberté d’écrivain et de son identité d’Africaine blanche. 

Proche des avocats de Nelson Mandela, elle fut l’une des premières personnalités que l’icône de la lutte anti-apartheid a demandé à voir après sa libération de prison en 1990. Elle a continué à écrire après l’avènement de la démocratie en 1994, n’hésitant pas, malgré son grand âge, à pointer les défauts du nouveau pouvoir des successeurs de Nelson Mandela.

Mais elle a refusé d’ajouter sa voix au concert de critiques sur la violence de la société (contrairement à André Brink ou J.M. Coetzee) même après avoir été victime d’un cambriolage en 2006.

Très secrète sur sa vie privée, elle s’est opposée à la publication d’une biographie en 2005 où l’auteur, Ronald Suresh Roberts, décrivait longuement la maladie de son dernier époux, décédé.

Elle avouait que par ses combats, elle avait gagné « le droit de faire partie de son pays. »

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