Monarchiste et catholique de droite, bataillant contre ce qu'il appelait la disparition de la France sous les coups de l'immigration, Jean Raspail était l'auteur controversé, mais admiré par les identitaires et les déclinistes notamment, d'une quarantaine d'ouvrages. Il est mort le 13 juin à l'âge de 94 ans.
Il disait être "un marin manqué, qui a longtemps exploré le monde avant de découvrir que l'écriture est aussi un long voyage". Manquant d'être élu à l'Académie française en 2000, il avait reçu en 2003 le grand prix de littérature de l'institution.
Aventurier voyageur
Cet aventurier à la forte personnalité est né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême (Indre-et-Loire). Son père fut président des grands moulins de Corbeil. En 1939, il tente à 14 ans de s'engager dans les corps francs. Les gendarmes l'arrêtent et le renvoient à ses études. Après deux années de Droit, il succombe à l'appel du monde : "Mes universités, ce sont mes voyages". En 1948, il part de Québec à bord d'un canoë avec trois camarades et, sur les traces du père Marquette, rejoint la Nouvelle-Orléans, via les Grands Lacs et le Mississippi. En 1951, il traverse en automobile les deux Amériques dans leur totalité. Ce raid, considéré comme la dernière grande expédition automobile, lui inspire son premier récit de voyage, Terre de feu-Alaska (1952). D'autres suivent : Le vent des pins (Japon), Terre et peuple incas (Pérou), Terres saintes et profanes (Congo)...
Il devient chroniqueur dans différents journaux, dont le Figaro. Il entame une carrière de romancier avec Le jeu du roi et Septentrion, parus chez Robert Laffont. Son plus grand succès est, en 1981, Moi, Antoine de Tounens... (Albin Michel) ou le destin d'un aventurier français qui débarqua en Argentine en 1860 et se fit proclamer roi d'Araucanie et de Patagonie par les populations indigènes. Ce livre obtient le Grand prix du roman de l'Académie française.
En 1989, puis en 1998, il "occupe" brièvement l'archipel des Minquiers, éparpillement de granit peuplé de lapins, au sud de Jersey, "en représailles à l'occupation des Malouines, territoire purement patagon, par les Britanniques".
Monarchiste ultra-nationaliste
Lauréat du prix Chateaubriand et du Livre Inter pour Qui se souvient des hommes... (Robert Laffont, 1986), des prix Prince-Pierre de Monaco et Maison de la presse pour L'anneau du pêcheur (Albin Michel, 1995), du grand prix du roman de la ville de Paris pour Sire (De Fallois, 1991), ou encore le Grand prix Jean-Giono pour Adiós, Tierra del Fuego (Albin Michel, 2001), il préside, pour le bicentenaire de 1793, le Comité national pour la commémoration solennelle de la mort de Louis XVI.
Jean Raspail, qui se situait politiquement, selon ses mots, à "droite-droite", revient dans l'actualité en 2004 avec une tribune parue dans le Figaro, intitulée "La patrie trahie par la République", qui suscite de vives réactions. Il y prédit "le basculement définitif des années 2050 qui verra les "Français de souche" (sic) se compter seulement la moitié - la plus âgée - de la population du pays, le reste étant composée d'Africains, de Maghrébins ou Noirs et Asiatiques (...), avec forte dominante de l'Islam, djihadistes compris".
Attaqué en justice par la Licra pour "provocation à la haine raciale", il est finalement relaxé.
Le camp des saints (Robert Laffont), qui raconte l'arrivée en Occident d'un million d'immigrants dont les bateaux s'échouent sur la Côte d'Azur, est non seulement un grand succès réédité mais aussi un des livres de chevet de Steve Bannon, ancien stratège de Donald Trump, et accueilli avec les faveurs de mouvements identitaires d'extrême-droite. Son décès a évidemment attiré les louanges de Marine Le Pen ou Louis de Bourbon.
Jean Raspail fait en 2015 la une de Valeurs Actuelles qui le qualifie de "prophète". Au magazine Le Point, cette année-là, il dit à propos des commentaire sur son livre : "Je ne vais pas sur Internet, je ne suis pas entré dans le 21e siècle, je ne sais donc pas ce qu'on y dit".