Le court nouveau roman de Colm Tóibín laisse entendre une musique différente des précédents opus de l’Irlandais. Le testament de Marie a pour narratrice la mère de Jésus. Une femme à qui rien n’échappe : "La mémoire emplit mon corps autant que le sang et les os." Marie est désormais dans une maison à l’écart du monde. Elle sait qu’il lui reste peu de jours à vivre. En attendant, on la visite, on la nourrit, on l’habille, on la protège. On recherche sa voix et son témoignage sur ce qui s’est passé sur la colline. Et Marie d’évoquer d’abord un joueur de dés, un étrangleur, des lapins et des oiseaux. Ou encore la perte de son fils. Ce fils qui avait réuni autour de lui un troupeau d’hommes, "une bande d’égarés qui n’étaient que des enfants comme lui, ou des hommes sans père, ou des hommes incapables de regarder une femme dans les yeux". Ce fils qu’elle a vu entravé et sanglant, qu’elle a entendu crier. Ce fils dont elle a accompagné les changements au fil des années. Quand il quittait sa peau d’enfant pour suivre le destin que l’on connaît.
En lice pour le Man Booker Prize 2013, attribué à Eleanor Catton pour Les luminaires, Le testament de Marie a d’abord été écrit sous la forme d’un monologue présenté en 2011 au Dublin Theatre Festival. L’auteur du Maître (Robert Laffont, 2005, repris chez 10/18) et de Brooklyn (Robert Laffont, 2011, repris chez 10/18) joue sur tous les registres émotionnels. En donnant à entendre la parole d’une Marie qui se souvient, du shabbat, de Marc de Cana, de Lazare mourant, de l’annonce d’une crucifixion impossible à arrêter. Le tout narré d’une voix allant de la tendresse à la rage sans jamais se départir d’humanité. Al. F.