2 MAI - HISTOIRE France

Jean-Denis Bredin- Photo NIVIERE/SIPA/GRASSET

L'infamie. Le titre en dit long. Sur ce procès politique, sur ce déni de justice, sur cette tragédie qui finit en rien. Ouverts le 19 février 1942, les débats sont suspendus le 11 avril pour ne jamais reprendre. D'un côté, la France de Vichy. Le maréchal Pétain veut faire payer ceux qu'il considère comme les responsables de la défaite. Il oublie qu'il a été ministre de la Guerre en 1934, qu'il n'a jamais cru dans la poursuite de l'édification de la ligne Maginot au Nord et encore moins à la suprématie des chars, contrairement au capitaine de Gaulle...

Sur le banc des accusés, Léon Blum, l'incarnation du Front populaire et de la semaine de 40 heures, et Edouard Daladier, le "taureau du Vaucluse", n'oublieront pas Pétain. Le général Gamelin, qui avait choisi le silence face à cette manipulation grossière, se réveillera un peu durant les débats. Non, tout tourne autour de ces deux ténors de la politique. Daladier démonte point par point l'accusation, au fusil près. Blum défend son Front populaire, les ouvriers, la France. Les avocats aussi ont de l'allure, et Jean-Denis Bredin leur rend un bel hommage.

Tout cela finit en eau de boudin. Hitler, Otto Abetz et la plupart des Allemands sont agacés par ce procès qui se retourne comme une peau de lapin pour apparaître, par anticipation, comme celui de Pétain. Même Mussolini rigole de ce pied de nez aux conclusions édifiantes : en fait, si la France avait été un peu mieux préparée, elle aurait repoussé les Allemands. Zut et rezut !

Sauf que derrière tout cela, il y a l'injustice et, plus grave encore, la mort qui rode. Georges Mandel, qui ne fut pas du procès mais compagnon de cellule de Blum, est livré à la Milice comme victime expiatoire après l'assassinat du collaborateur Philippe Henriot.

Jean-Denis Bredin ne nous dit rien de neuf sur le procès de Riom dont Omnibus avait proposé un passionnant volume en février dernier (Riom 1942 : le procès) avec les documents réunis et commentés par Julia Bracher. C'est plutôt sa manière de le dire qui est forte. On sent combien l'avocat historien, l'auteur de L'Affaire (Fayard, 1983) sur le procès de Dreyfus, a été marqué par ce tribunal de la honte. "Rarement le droit et la justice n'avaient été traités avec tant de mépris."

L'académicien montre qu'il suffit de quelques personnalités, de quelques hommes déterminés, sincères et justes, pour que la dictature soit ébranlée. Le procès de Riom fut certes une infamie. Il fut peut-être aussi un moment charnière. Quelques mois plus tard, les Allemands ordonnaient la rafle du Vél'd'Hiv avant d'envahir la zone libre, et les rangs de la Résistance allaient grossir. Rien ne dit, tout nous dit au contraire que Blum et Daladier, dans leur manière de tenir tête à Vichy, ont préfiguré ce que de Gaulle avait lancé sous la forme d'un "non" qui gagnait petit à petit le pays.

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