L'essayiste français Albert Memmi est décédé le 22 mai à Paris, à l'âge de 99 ans. Il est l'auteur de titres majeurs sur la décolonisation et le racisme.
Né en 1920 dans une Tunisie placée sous protectorat français, Albert Memmi est issu d'une famille juive arabophone modeste. Sa plume a été très vite reconnue par Albert Camus et Jean-Paul Sartre qui ont préfacé ses premiers ouvrages, comme La statue de sel (Corréa, 1953), un premier roman largement autobiographique, dans lequel l'auteur s'émerveillait et souffrait à la fois d'avoir plusieurs identités, à l'image de son personnage principal, Alexandre Mordekhaï Benillouche.
Albert Memmi n'a jamais cessé de chercher à bâtir des ponts entre l'Orient et l'Occident, l'Europe et le Maghreb. Par ses écrits, il a contribué à développer la pensée humaniste. Dans les années 1970, il a forgé le concept de la "judéité" — l'exploration de l'être juif — dans des ouvrages comme Portrait d'un juif (1962), La libération du Juif (1966) ou Juifs et arabes (1974), publiés chez Gallimard.
Judéité
Il s'est aussi intéressé au colonialisme, notamment avec son Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur (Buchet-Chastel, 1957), et au racisme avec Le Racisme : description, définition, traitement (Gallimard, 1982), dans lequel il expliquait le concept d'hétérophobie, ce "refus d’autrui au nom de n’importe quelle différence". En 2004, l'Académie française lui a décerné le Grand prix de la francophonie pour l'ensemble de son œuvre.
Sur Facebook, l'ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d'Arvor, a salué Albert Memmi, cet auteur d'une "œuvre unique, magnifique, puissante, complexe et parfois incomprise, tant l'arrachement à la terre natale et la marque de sa judéité y sont forts".