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Le baromètre des documents acquis et empruntés dans les bibliothèques publiques commandé par le service du livre et de la lecture à la société TMO et avec le concours des sociétés C3RB et Koha, est riche d’informations qu’il faut mettre en valeur. Il donne à voir la richesse et la diversité de la lecture Dans ce premier texte, nous soulèverons la question du rapport de la lecture à l'actualité éditoriale. Dans un autre à suivre nous mettrons en avant la question de l'extrême dispersion des pratiques sur une multitude de titres. Dans un dernier nous pourrons confronter les pratiques de lecture telles qu'elles sont saisies par le traitement des fichiers de transactions de prêts avec les pratiques d'acquisition des bibliothèques.

Commençons par relever le fait que le baromètre permet d’accéder aux pratiques de lecture autrement que par les ventes. Si les enquêtes déclaratives sur la lecture (par exemple la partie qui lui est consacrée dans l’enquête Pratiques culturelles des Français) permettent de mesurer l’intensité ou le type de pratique (genres de lecture), elles ne permettent pas de saisir les pratiques dans la singularité que leur donnent les titres effectivement lus. Les palmarès des meilleures ventes ont rempli la fonction de fournir une information sur ce que lisaient les lecteurs d’une semaine, d’un mois, d’une année sur l’autre. Mais  les livres ne sont pas une denrée périssable et réduire la lecture à l’étude du « frais » revient à occulter les pratiques portant sur des livres plus anciens et échappant à l’actualité médiatique. Par contraste, les bibliothèques offrent des collections qui sont moins concentrées sur l’actualité éditoriale et, dans le domaine des livres (contrairement au secteur alimentaire), les plus « frais » ne sont pas forcément ceux qui  sont les plus riches ni les meilleurs. La littérature bibliothéconomique recommande un taux de renouvellement de 10%, sans doute peu souvent atteint, ce qui laisse aux documents passés une large place.  C’est tout l’intérêt de cette étude du ministère que de donner l’occasion de mesurer les pratiques de lecture à distance de la seule production éditoriale récente.

Et c’est un formidable résultat que de constater que l'emprunt en bibliothèque se tourne marginalement vers l'actualité brûlante de l'édition. 94% du total des 700 000 œuvres les plus empruntées (parmi un total des 5 millions de prêts) dans les 94 bibliothèques de l'échantillon traitées dans l'étude portent sur des œuvres éditées avant 2013. La moitié avant 2009. La bibliothèque ralentit le rythme haletant du marché du livre. Elle le fait peut-être trop en n'acquérant pas assez  les livres qui font l’objet d’un écho médiatique et se prive du même coup de certains lecteurs qui voudraient venir les trouver. C’est notamment le cas des nouveautés médiatiques qui sont très souvent acquises en un seul exemplaire. Mais y compris parmi les 20 titres les plus prêtés, 6 ont au moins 5 ans (avant 2010) et 11 sont antérieurs à 2014. Le prisme de l’actualité du livre se révèle donc particulièrement déformant pour saisir la réalité des pratiques de lecture. Nous pouvions nous attendre à un tel résultat mais c’est désormais mesuré et démontré.  Et s’il est établi à partir des emprunts en bibliothèque, on peut penser qu’il en va de même, au moins pour une part, des pratiques de lecture en général. Et en tous les cas, la part des lectures issues des livres empruntés en bibliothèque (plus de 200 millions en 2012 à comparer, si cela est possible, aux 440 millions d'exemplaires de livres vendus), révèle des pratiques assez détachées de l'actualité et qui plongent dans la profondeur et la diversité de l'offre éditoriale.

L’étude des pratiques de lecture au travers les emprunts en bibliothèque présente l’avantage de contrebalancer l’accent mis sur l’actualité éditoriale. Elle permet de réintroduire dans la compréhension de cette pratique ce qui touche à sa temporalité lente masquée par l’attention sélective de notre société à la nouveauté.
 

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