La vie du village

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Rue de l'école-de-médecine - Photo DR

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Dans le prolongement de la longue rue des Écoles, la rue de l'École-de-Médecine descend en diagonale du boulevard Saint-Michel au carrefour de l'Odéon, le long du boulevard Saint-Germain. On peut l'emprunter à pied, à ses risques et périls, car les trottoirs y sont étroits, voire inexistants, bornés par de hideux poteaux en fonte marron. À cheval, à condition d'être policier monté ou garde républicain. Ou en autobus. Venant de l'est, les lignes 86 et 63 conduisent à Saint-Germain-des-Prés ou à Saint-Sulpice, les deux principales paroisses du Village.

Mais quel que soit le mode de locomotion choisi, on constatera que cette rue subit, en son milieu, comme un goulot d'étranglement. Elle a une taille normale à son début, là où se trouvent les vitrines de Gibert Joseph, véritable caverne d'Ali Baba littéraire. Puis finit comme un estuaire, entre le campus des Cordeliers et la fac de médecine René-Descartes. Ici, l'on en est en plein quartier gallo-romain, là où, au Moyen Âge, furent créés les collèges, nos futures universités, et en particulier celles de carabins. Louis XIV, reconnaissant envers son chirurgien Charles-François Félix de l'avoir sauvé, en 1686, d'une méchante fistule, fit construire, de 1691 à 1695, l'Académie royale de chirurgie, dotée d'un amphithéâtre anatomique en forme d'octogone coiffé d'un dôme. L'édifice abrita ensuite l'École gratuite de dessin, et aujourd'hui l'Institut des langues modernes de Paris-III.

Quelques marches, et l'on pénètre dans un autre monde, celui de la Mitteleuropa

L'étrécissement de la rue de l'École-de-Médecine est dû à l'empiètement sur la chaussée, au numéro 8, d'un ancien hôtel particulier, qui forme un îlot entre la rue Hautefeuille et la rue Dupuytren, autre chirurgien célèbre. C'est l'hôtel des abbés de Fécamp, construit au XVIe siècle, monument historique toujours en place, classé et bellement restauré, avec son échauguette. Au rez-de-chaussée, comme c'était l'usage, il y avait peut-être des boutiques, dont l'une demeure, ou bien fut creusée après, en 1928. La Pâtisserie viennoise, puisque c'est elle dont il s'agit. 

On dirait un peu un chalet de montagne, avec sa façade bicolore blanc et rouge foncé. Deux fenêtres avec des rideaux en dentelles. Quelques marches, et l'on pénètre dans un autre monde. Celui de la Mitteleuropa, des cafés, lieux de vie et de rencontres, où tous les intellectuels du Village ont tenté de refaire le monde en savourant un chocolat viennois à la chantilly, bien crémeux, bien onctueux, bien chaud, épatant en hiver. Avec, s'impose une Sachertorte au chocolat, un biscuit au pavot, ou un strudel, pommes ou fromage/fruits. On peut emporter tous ces delicatessen chez soi, mais c'est dommage. Mieux vaut essayer de trouver un coin, au cœur d'un décor qui n'a pas changé depuis l'ouverture, il y a presque cent ans. Chaises en bois ou banquettes de moleskine, 24 places, pas une de plus. 

La rue compte aussi quelques people illustres : Jean-Paul Marat, assassiné par Charlotte Corday, au 30, le 13 juillet 1793. Avant d'être révolutionnaire et journaliste, il avait été médecin. Pas assez, apparemment ; et Sarah Bernhardt, qui est née au 5, le 25 octobre 1844. Elle est hélas décédée cinq ans trop tôt pour connaître la Pâtisserie viennoise. Cette gourmande aurait adoré.

23.05 2024

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