La principale nouveauté du décret réside dans l’extension du régime social des artistes-auteurs aux écrivains autoédités et à compte d’auteur. Les revenus tirés du financement participatif sont désormais inclus dans l’assiette des recettes de l’auteur. Les récompenses de prix et le travail de sélection effectué en tant que juré seront également comptabilisés par l'Agessa.
La question épineuse des directeurs de collection
D’autres activités, pour la plupart déjà recensées dans la circulaire de 2011, sont maintenant officiellement prises en compte dans le calcul du chiffre d’affaires de l’auteur : la cession de droits, les bourses et concours, les commandes publiques ou privées, les cours et ateliers, les résidences d’artistes, les indemnités versées pour la participation aux instances de représentation et les interventions publiques, dont les lectures et les dédicaces.
De plus, le texte réactive la question épineuse de la rémunération des directeurs de collection, exclus l’an dernier par l’Agessa du régime des droits d’auteur, décision entérinée par le Conseil d’Etat après un recours du Syndicat national de l’édition. Le décret permet en effet aux directeurs de collection de s’affilier au régime social des auteurs.
"Un progrès pour l'extension des droits"
"Ce décret représente un progrès pour l’extension des droits avec, notamment, l’autoédition et le financement participatif, souligne Samantha Bailly, présidente de la Ligue des auteurs professionnels. Il consolide et clarifie les préconisations de la circulaire de 2011 et semble cibler la différence entre la conception de l’œuvre et son exploitation, ce que nous demandions."
Le directeur général de la Société des gens de lettres (SGDL), Patrice Locmant, se déclare pour sa part "satisfait de ces mesures, qui sont l’aboutissement d’une longue concertation avec l’Etat". "Nous avions demandé à prendre en compte l’évolution des pratiques du métier d’auteur, mais aussi de simplifier, d’élargir et de renforcer le contenu de la circulaire de 2011, et nous avons été entendus", rajoute-t-il.
Le responsable associatif se félicite également de l’ajout d’une sanction à l’encontre des éditeurs qui ne fourniront pas en temps et en heure le certificat de précompte à leurs auteurs, document indispensable à l’ouverture des droits sociaux.
La gouvernance remaniée
Dans son deuxième article, le décret modifie la composition du conseil d’administration de l’Agessa, qui pilote le régime social des artistes-auteurs. Auparavant dotés de simples voix consultatives, les trois représentants des organismes de gestion collective (OGC) entreront l’an prochain comme membres de plein droit au conseil d’administration. Le reste de l’instance sera composée de 16 représentants des artistes-auteurs et 5 acteurs du monde de l’édition-diffusion-distribution.
"Nous avons toujours pensé que les OGC représentent les auteurs et leur présence au sein du conseil d’administration de l’Agessa a plutôt été positive. Ils ont un poids et une force de frappe qui sont utiles lorsqu’on joue collectif", commente Patrice Locmant.
Samantha Bailly pense au contraire que "cette décision adoube les OGC comme des représentants des auteurs, alors que ce sont des sociétés privées dont le but est de collecter et de répartir le plus de droits d'auteur possible, et auxquelles les auteurs n’ont d’autre choix que de s’affilier pour percevoir leurs droits. Ce ne sont pas des syndicats légitimes auxquels les travailleurs adhèrent librement".
L'arlésienne des élections
La représentante regrette par ailleurs que ce décret opère un "mélange des genres entre le périmètre du régime social et sa gouvernance, tout en ne prévoyant rien pour les futures élections professionnelles", promises par Franck Riester après la remise du rapport Racine, à l’hiver 2020. Des réunions doivent se tenir au mois de septembre en présence de représentants du ministère du Travail pour définir les modalités de la représentativité au sein des artistes-auteurs.
Les consultations se tiendront principalement par branche (cinéma, livre, musique, etc.), bien qu’un groupe transversal se penchera sur les thématiques communes à tous les secteurs. "Nous devons faire attention à ce que les spécificités et les problématiques de toutes les branches et toutes les professions soient prises en compte. La représentativité ne doit pas diluer la diversité des métiers", avertit Patrice Locmant en amont des débats.
Ces négociations marquent le début d’un processus de réflexion de deux ans qui doit définir le ou les modes de gouvernance du régime social des artistes-auteurs, en crise depuis plusieurs années.