L’Union internationale des éditeurs (UIE) ouvre, mercredi 21 novembre, l’accès aux candidatures pour son prix Voltaire 2019. Chaque année depuis 2005, l’association basée en Suisse distingue une personne ou une organisation pour ses efforts en faveur du droit à la publication. Son attribution ne représente toutefois qu’une partie des activités du comité "liberté de publier" chargé de décerner la récompense. Tout au long de l’année, ses membres planifient et organisent une série d’initiatives visant à sensibiliser le public et les institutions à leur cause.
Comme il l’explique dans son manifeste écrit en 2017, le comité s’occupe de mettre en œuvre le premier objectif inscrit dans les statuts de l’UIE, "
la défense du droit des éditeurs à publier et à distribuer des œuvres de l’esprit en toute liberté" et "
l’opposition systématique à toute menace ou tentative de restreindre cette liberté." Ses neuf membres, nommés pour deux ans par l’assemblée générale de l’UIE et actuellement présidés par le secrétaire général de l’Association des éditeurs norvégiens
Kristenn Einarsson, se rencontrent huit fois par an pour déterminer les initiatives à mener.
Dégradation de la liberté d'expression
Les membres de la commission se retrouvent notamment en première ligne lors des évènements professionnels. "
L’une des principales activités du comité sur l’année écoulée a consisté à sensibiliser à la liberté de publier dans des séminaires ou des panels lors d’évènements organisés à Tunis, New Dehli, Londres, Oslo, Kula Lumpur… » énumère James Taylor, directeur de la communication de l’UIE.
Un effort d’autant plus nécessaire qu’en 2018, le respect pour la liberté d’expression s’est passablement dégradé dans plusieurs régions du globe, où certains auteurs et éditeurs sont toujours emprisonnés ou menacés. En Birmanie, deux journalistes de Reuters ont été condamnés en septembre à sept ans de prison pour détention de secrets d’Etat tandis que la situation reste préoccupante en Turquie où des centaines d’intellectuels, reporters et auteurs, croupissent dans les geôles du régime.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
La tendance concerne aussi l’occident et en particulier les Etats-Unis. Le comité liberté de publier et l’UIE ont dû se mobiliser par deux fois, en janvier et en octobre, pour protester contre les menaces de censure proférées par le président Trump à l’égard des éditeurs Simon & Schuster et Macmillan, qui ont publié des ouvrages racontant les coulisses de la Maison Blanche. Le site de l'organisation a également interviewé Emmanuel Pierrat, président du PEN Club français et collaborateur à
Livres Hebdo, afin d'alerter sur le potentiel liberticide de la loi contre les fausses nouvelles.
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La liberté de publier est extrêmement fragile et les éditeurs font face à de nombreuses pressions actuellement, indique James Taylor.
Le principal risque est que l’autocensure s’insémine [dans les esprits]." Afin de combattre ces dérives autoritaires, le comité, par la voix de l’UIE, déploie également sa parole dans les principales institutions mondiales, comme à l’ONU où l’association est reconnue et consultée sur les questions liées à la liberté d’expression. Son principal atout diplomatique reste néanmoins le prix Voltaire.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
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Le prix Voltaire est la pièce centrale de nos efforts de lobbying pour la liberté de publier, déclare James Taylor
. Il démontre l’impact humain de la censure". Remise depuis 2005 à des individus, auteur ou éditeur, ou à des entreprises qui ont dû affronter la répression pour leurs écrits ou leurs publications, la récompense décernée par l’UIE pèse symboliquement dans le débat public et permet parfois de dénouer des situations. "
Le prix Voltaire peut tout à fait avoir un impact positif, assure James Taylor.
Lors de notre séminaire régional à Lagos, le lauréat 2008 Trevor Ncube [patron de presse zimbabwéen harcelé par le président Mugabe, ndlr]
expliquait que le prix lui a donné un certain degré de protection."
En 2017, un an après le coup d’Etat raté en Turquie et la répression qui a suivi, le prix Voltaire a été conjointement attribué à la maison Evrensel et à l’éditeur Turhan Gunay de Cumhuriyet Books, gardé en détention pendant neuf mois par la justice turque avant d’être relâché, puis acquitté quelques mois après avoir reçu la récompense, à l’inverse de plusieurs journalistes qui ont comparu à ses côtés. "
L’annonce du prix a atteint les salles d’audience et cela a rappelé à la justice turque que le monde la regardait," espère James Taylor.
Sans qu’il soit un totem d’immunité – le dernier récipiendaire, l’éditeur chinois Gui Minhai, est toujours porté disparu – le prix Voltaire représente un outil diplomatique pratique qui peut faire progresser des dossiers précis, en particulier lorsqu’il est conjugué à des campagnes internationales au long cours organisées en coopération avec d’autres ONG. Une tactique éprouvée que semble vouloir adopter le comité liberté de publier.
Un soutien sans faille
A la dernière Foire du livre de Francfort, la commission a ainsi invité Ensaf Haidar à s’exprimer sur la situation de son mari Raïf Badawi, le blogueur saoudien condamné à dix ans de prison et mille coups de fouet par les autorités de son pays, et lauréat du prix Voltaire 2016. "
Dorénavant, nous essayons de poursuivre les campagnes autour des nominés et des lauréats au-delà de l’année du prix. Tant que ces personnes restent emprisonnées, nous devons leur apporter notre soutien," déclare James Taylor. Quant aux récipiendaires et aux nominés qui sont en liberté, le comité leur offre une plateforme sur son site,
comme pour l’éditrice iranienne Azadeh Parsapour, ou lors d’évènements publics.
Doté de dix mille francs suisses (environ neuf mille euros), le prix Voltaire 2019 sera attribué en juin à la Foire international du livre de Séoul. En attendant ce rendez-vous, le comité liberté de publier de l’UIE devrait concentrer ses travaux sur la question de la censure dans l’édition scolaire et les lois qui encadrent les procédures en diffamation.